LaGuillotine Et L Imaginaire De La Terreur By Daniel Arasse La Guillotine Et L Imaginaire De La Terreur By Daniel Arasse Dec 19, 2017 Fnac La Guillotine et l imaginaire de la Terreur Daniel Arasse Flammarion Livraison chez vous ou en magasin et 5 sur tous les livres Achetez neuf ou d occasion. Rapide me Ă©clair qui tranche vite et bien analogie entre la mĂ©canique du Laguillotine et l'imaginaire de la Terreur de Daniel Arasse - Collection Champs. Histoire - Livraison gratuite Ă  0,01€ dĂšs 35€ d'achat - Librairie Decitre votre prochain livre est lĂ  Histoire - Livraison gratuite Ă  0,01€ dĂšs 35€ d'achat - Librairie Decitre votre prochain livre est lĂ  Cetessai sur la guillotine et sur sa fascination permet de mieux comprendre la RĂ©volution Ă  son apogĂ©e. LaGuillotine et l'imaginaire de la Terreur de Arasse, Daniel sur ISBN 10 : 2081246910 - ISBN 13 : 9782081246911 - FLAMMARION - 2010 - Couverture souple Oktober1793Eng Guillotine gijo tin ass Dispositif, fir eng Doudesstrof duerch KĂ€ppen vollstrecken.Inhaltsverzeechnes1 Geschicht vun der Guillotine2 Guillotine LĂ«tzebuerg3 Literatur4 Kuckt och5 Spaweck6 Guillotine. Vu Wikipedia. Op d'Navigatioun wiesselen Op d'Siche wiesselen. Exekutioun vun der Marie-Antoinette op der Guillotine de 16. Oktober 1793. Eng DanielArasse porte au regard parcourt son oeuvre. A travers la fine analyse que les auteurs livrent ici de ces écrits, on perçoit à quel point le dispositif photographique contribua à forger la vision et la pratique de l'image pour l'historien de l'art, et cela dÿs la rédaction de l'un de ses premiers ouvrages La Guillotine et l'imaginaire de la Terreur. 7gqgJt. Pourquoi la guillotine est-elle abominable ? Et de quoi au juste a-t-on horreur ? Pour rĂ©pondre, il a paru fructueux d'interroger cette peur Ă  sa source... Lire la suite 8,00 € Neuf Poche DĂ©finitivement indisponible 8,00 € Grand format Actuellement indisponible 14,70 € Nouvelle Ă©dition ExpĂ©diĂ© sous 3 Ă  6 jours 11,00 € DĂ©finitivement indisponible Pourquoi la guillotine est-elle abominable ? Et de quoi au juste a-t-on horreur ? Pour rĂ©pondre, il a paru fructueux d'interroger cette peur Ă  sa source mĂȘme, au moment oĂč, Ă  peine nĂ©e, la machine est plantĂ©e au cƓur d'une mise en scĂšne, d'une exploitation spectaculaire de ses pouvoirs d'Ă©pouvante la Terreur. Les surprises se multiplient au fur et Ă  mesure de l'enquĂȘte Guillotin n'est pas pour grand-chose dans l'invention de la guillotine ; Ă  l'exception de la France, l'Europe l'utilisait, presque identique, bien avant la RĂ©volution... La tĂȘte coupĂ©e semble vivre encore et affronte la mĂ©decine Ă  une impasse insurmontable... La guillotine fonde la dĂ©mocratie et son emploi politique suit une ligne trĂšs cohĂ©rente. Du théùtre Ă  la mĂ©decine, de la politique Ă  la mĂ©taphysique, la machine Ă  dĂ©capiter se rĂ©vĂšle Ă  la fois un vĂ©ritable " objet de civilisation " et une image de la RĂ©volution dans sa phase la plus radicale, en exhibant aux yeux du peuple l'Ă©galitarisme le plus absolu. Ce livre ne cherche pas Ă  rĂ©habiliter la guillotine jacobine mais Ă  mettre au jour la rĂ©pulsion qu'inspire la machine et la rĂ©putation qu'elle s'est gagnĂ©e son abject prestige. Date de parution 01/04/1993 Editeur Collection ISBN 2-08-081281-5 EAN 9782080812810 Format Poche PrĂ©sentation BrochĂ© Nb. de pages 213 pages Poids Kg Dimensions 10,8 cm × 17,8 cm × 1,5 cm RĂ©sumĂ©s Cet article, issu d’une communication orale en hommage Ă  Michel Vovelle, se propose d’étudier une exĂ©cution ratĂ©e Ă  Toulouse en janvier 1794. Il s’agira, par la description de cette exĂ©cution, d’interroger les sensibilitĂ©s rĂ©volutionnaires face Ă  la guillotine et de caractĂ©riser la rĂ©pression judiciaire dans l’espace toulousain. Par ailleurs, cette exĂ©cution ratĂ©e constitue un prisme pour interroger la construction de la lĂ©gende noire de la guillotine et mettre en Ă©vidence l’existence d’une gĂȘne Ă  son endroit avant la rĂ©action thermidorienne, Ă  Toulouse certes, mais aussi Ă  Paris. Ainsi, cet article se propose d’effectuer un aller-retour entre Ă©chelle locale et Ă©chelle nationale, micro et macro-analyse pour, par l’intermĂ©diaire de la guillotine, tenter d’approcher l’un des concepts centraux de la pensĂ©e de Michel Vovelle les mentalitĂ©s rĂ©volutionnaires. This article, based on a spoken tribute to Michel Vovelle, aims to study a failed execution in Toulouse in January 1794. The description of this execution will be used to understand the revolutionary tendencies towards the use of the guillotine and to better define the legal repression in the Toulouse area. Furthermore, this failed execution is a cornerstone to the study of the rising of the guillotine’s black legends and highlights the existence of a certain discomfort on the matter, even before the “Thermidorian reaction”, in Toulouse as well as in Paris. This article also aims to cover a subject both at a local and national scale, using micro and macro-analysis through the topic of the guillotine in order to approach one of the central concepts of Michel Vovelle’s works the revolutionary de page EntrĂ©es d’index Haut de page Texte intĂ©gral 1 JournĂ©e d’études MĂ©moire et hĂ©ritages de Michel Vovelle, qu’en disent les doctorants en 2019 ? », ... 1Le 25 avril 1792, la tĂȘte de Nicolas-Jacques Pelletier tombe dans le panier de la guillotine. Cette derniĂšre est alors mise en service pour la premiĂšre fois Ă  Toulouse, sur la place du Capitole alors place de la LibertĂ©, manifestant une nouvelle conception de la peine de mort. La conception de la guillotine entend donner naissance Ă  une machine qui rĂ©pond aux vƓux humanistes des lĂ©gislateurs, ceux d’une mĂ©canique implacable et parfaite supprimant la souffrance physique et symbolique infligĂ©e aux condamnĂ©s Ă  la peine de mort sous l’Ancien RĂ©gime. Or, cet article, tirĂ© d’une communication orale en hommage aux travaux de Michel Vovelle1, entend justement montrer que l’étude de la guillotine est trop souvent restĂ©e prisonniĂšre des discours vantant la perfection mĂ©canique de la machine, occultant des rĂ©alitĂ©s tout autres qui structurent un rapport particulier et ambivalent Ă  son Ă©gard. 2 Michel Vovelle, La MentalitĂ© rĂ©volutionnaire. SociĂ©tĂ© et mentalitĂ©s sous la RĂ©volution française, P ... 3 Lucien Febvre, Comment reconstituer la vie mentale d’autrefois ? », dans Combats pour l’histoire, ... 4 Martine Charageat et Mathieu Soula, Le corps comme lieu pĂ©nal », dans Martine Charageat, Mathieu ... 5 Michel Vovelle, Mourir autrefois, Paris, Gallimard, 1974 ; Id., La Mort et l’Occident de 1300 Ă  nos ... 2ThĂšme cher Ă  Michel Vovelle2, les mentalitĂ©s » sont un objet historique Ă©galement important pour les fondateurs des Annales, Lucien Febvre et Marc Bloch3. Les mentalitĂ©s sont toujours porteuses d’interrogations historiques fĂ©condes, intĂ©grĂ©es, en partie, dans le concept de reprĂ©sentations ». Cependant, les mentalitĂ©s renvoient aussi Ă  une dimension sociale qui, Ă  propos de la guillotine et de la peine de mort, poussent Ă  s’interroger sur leur inscription dans les rapports sociaux rĂ©volutionnaires. En effet, la peine de mort, comme l’ont soulignĂ© Martine Charageat et Mathieu Soula, dĂ©termine ce qui est lĂ©gitime et ce qui ne l’est pas, dĂ©termine la lĂ©gitimitĂ© de l’autoritĂ© qui exerce la violence [S]e proclamer le gardien et le vengeur des corps sanglants, meurtris, saccagĂ©s ou violentĂ©s, c’est se poser en arbitre des relations sociales. [
] [S]e proclamer lĂ©gitime Ă  dĂ©truire un corps, Ă  le priver de vie, Ă  l’amputer, Ă  le marquer, ou Ă  le priver de sa libertĂ© de mouvement, c’est se poser en arbitre des relations sociales. C’est, en un mot, imposer des cadres de visions, des lunettes sociales, [
] qui imposent donc un ordre des choses4. » Plus largement, les mentalitĂ©s permettent de saisir la mort non comme un seul objet d’histoire culturelle, mais aussi comme un objet d’histoire sociale. Les nombreux travaux de Michel Vovelle sont ici Ă©clairants5. Ainsi, dans La Mort et l’Occident de 1300 Ă  nos jours, Michel Vovelle dĂ©taille les Ă©volutions des pratiques devant la mort qui attestent que l’on ne meurt pas partout et en tous temps de la mĂȘme façon. Les diffĂ©rentes façons de mourir se succĂšdent de la mise en scĂšne de la mort mĂ©diĂ©vale chrĂ©tienne Ă  la mort contemporaine masquĂ©e et rejetĂ©e. Les attitudes devant la mort renvoient ainsi Ă  des pratiques sociales plus ou moins normĂ©es. Mais, loin de conclure Ă  des modĂšles archĂ©typaux, les recherches de Michel Vovelle sur la mort ont permis de souligner l’existence d’écarts entre normes et pratiques, notamment par un retour aux acteurs. 6 Daniel Arasse, La guillotine et l’imaginaire de la Terreur, Paris, Flammarion, 1987 ; Anne Carol, P ... 7 Art. 1er des DĂ©crets des 27, 28 et 29 germinal an II concernant la rĂ©pression des conspirateurs, ... 8 Soulignons, Ă  ce propos, qu’Anne Carol, dans Physiologie de la Veuve
, op. cit., fait le choix de p ... 3C’est dans cette perspective que s’inscrit cet article. En effet, si la guillotine est un objet d’études ayant bĂ©nĂ©ficiĂ© de nombreux travaux6, c’est souvent la guillotine parisienne qui a concentrĂ©, pour d’évidentes raisons liĂ©es Ă  l’importance dĂ©terminante de Paris, particuliĂšrement aprĂšs le dĂ©cret du 27 germinal an II 17 avril 1794 qui centralise la rĂ©pression des conspirateurs » au sein du seul tribunal rĂ©volutionnaire de Paris7, la majeure partie des Ă©tudes8. Or, il nous semble judicieux de faire varier, dans cet article, les Ă©chelles pour faire apparaitre l’intĂ©rĂȘt du local, rendre justice aux acteurs et rĂ©vĂ©ler un possible Ă©cart entre un discours sur la guillotine et les rĂ©alitĂ©s sociales des exĂ©cutions. 9 Jacques Revel dir., Jeux d’échelles. La micro-analyse Ă  l’expĂ©rience, Paris, Gallimard et Le Seui ... 4En outre, l’analyse d’une seule exĂ©cution permet de s’attacher Ă  certains dĂ©tails qui nous informent sur les enjeux qui se nouent autour de la peine de mort. Nous nous plaçons ici dans le sillage de la position dĂ©fendue par Jacques Revel, Marc AbĂ©lĂšs, Alban Bensa et Bernard Lepetit, en 1996, Ă  savoir que la structure sociale n’apparait vĂ©ritablement que dans une prise en compte multidimensionnelle faisant varier les Ă©chelles, de la micro Ă  la macro-analyse9. Aussi, cette Ă©tude d’une exĂ©cution ratĂ©e, Ă  Toulouse, nĂ©cessite un constant va-et-vient entre les Ă©chelles nationale et locale, entre les acteurs de cette exĂ©cution et le contexte parisien. 5Pour ce faire, nous prĂ©senterons d’abord briĂšvement les diffĂ©rentes Ă©tapes de la naissance de la guillotine afin de souligner l’écart entre les intentions initiales des promoteurs de la machine et les rĂ©alitĂ©s sociales des exĂ©cutions. Ces derniĂšres seront abordĂ©es dans un second temps, Ă  travers le rĂ©cit de cette exĂ©cution toulousaine ratĂ©e, en janvier 1794, afin d’en tirer, par la suite, quelques Ă©lĂ©ments qui, mis en regard avec le contexte Ă  grande et petite Ă©chelles, permettront d’apprĂ©hender les contradictions autour de cet objet Ă  la force symbolique puissante. ÉgalitĂ©, publicitĂ©, instantanĂ©itĂ© l’adoption de la guillotine Humanisme pĂ©nal et volontĂ©s rĂ©formatrices 6Le 9 octobre 1789, le dĂ©putĂ© Joseph-Ignace Guillotin monte Ă  la tribune de l’AssemblĂ©e. Il y propose l’ajout de six articles au dĂ©cret qui rĂ©forme certains aspects de la procĂ©dure criminelle Art. 29. Les mĂȘmes dĂ©lits seront punis par le mĂȘme genre de supplice, quels que soient le rang et l’état du coupable. Art. 30. Dans tous les cas oĂč la loi prononcera la peine de mort contre un accusĂ©, le supplice sera le mĂȘme, quelle que soit la nature du dĂ©lit dont il se sera rendu coupable. Le criminel aura la tĂȘte tranchĂ©e. Art. 31. Le crime Ă©tant personnel, le supplice d’un coupable n’imprimera aucune flĂ©trissure Ă  sa famille. L’honneur de ceux qui lui appartiennent ne sera nullement entachĂ©, et tous continueront d’ĂȘtre Ă©galement admissibles Ă  toutes sortes de professions, d’emplois et dignitĂ©s. Art. 32. Quiconque osera reprocher Ă  un citoyen le supplice d’un de ses proches, sera puni de
.. Art. 33. La confiscation des biens des condamnĂ©s ne pourra jamais avoir lieu, ni ĂȘtre prononcĂ©e en aucun cas. 10 Archives parlementaires, t. 9, p. 393, disponible sur le portail PersĂ©e Ă  l’adresse ... Art. 34. Le corps d’un homme suppliciĂ© sera dĂ©livrĂ© Ă  sa famille, si elle le demande ; dans tous les cas, il sera admis Ă  la sĂ©pulture ordinaire, et il ne sera fait sur le registre aucune mention du genre de mort10. 11 Anne Simonin, La rĂ©volution par l’exemple l’abolition du prĂ©jugĂ© des peines infamantes », dans ... 12 Comme Pierre-François Muyart de Mouglans, auteur du MĂ©moire sur les peines infamantes. À son propos ... 13 Ibid., p. 293. 7La proposition de Guillotin illustre tout Ă  fait la vision qui est alors celle des lĂ©gislateurs. Il s’agit, avant tout, de mettre un terme aux procĂ©dures criminelles d’Ancien RĂ©gime. Cela passe par une peine de mort Ă©galitaire. À une diffĂ©renciation des modalitĂ©s de mise Ă  mort selon le crime et le statut social du condamnĂ©, Guillotin oppose la gĂ©nĂ©ralisation de la dĂ©capitation. Son choix n’est pas anodin. Les articles proposĂ©s visent, outre Ă  mettre fin Ă  la diversitĂ© des supplices, Ă  gĂ©nĂ©raliser par le haut la peine capitale en Ă©levant les roturiers au prestige d’une dĂ©capitation rĂ©servĂ©e Ă  la noblesse. Mais la dĂ©capitation n’est qu’un aspect, parmi d’autres, de la proposition de Guillotin. Cette derniĂšre, trĂšs vaste, entend aussi mettre fin Ă  l’infamie qui pesait sur le condamnĂ© et au prĂ©jugĂ© qui faisait rejaillir l’infamie sur sa famille. La proposition de Guillotin a, du reste, lieu dans le contexte de l’affaire des frĂšres Arasse, dont Anne Simonin a montrĂ© l’importance11. Cette affaire voit l’opinion publique se mobiliser pour l’abolition du prĂ©jugĂ© des peines infamantes, dĂ©noncĂ© par plusieurs juristes au cours du xviiie siĂšcle12. La flĂ©trissure de la peine ne doit donc plus, aux yeux de Guillotin, accompagner le mort et sa famille. Le chĂątiment doit se borner Ă  l’exĂ©cution de la peine et souligner le changement de paradigme pĂ©nal Les peines infamantes revues et corrigĂ©es par le docteur Guillotin et l’opinion publique rĂ©volutionnaire, symbolisent une chose tout aussi radicale l’entrĂ©e du principe d’égalitĂ© et du principe de la personnalitĂ© des peines dans les lois pĂ©nales de la RĂ©volution13. » 14 DĂ©cret du 21 janvier 1790 sur la punition des coupables, & sur les suites de cette punition », da ... 15 Loi. Code PĂ©nal, Paris, imp. de Prault, 1791, p. 2. 8Certaines des propositions de Guillotin articles 29, 31, 33 et 34 sont reprises dans le dĂ©cret du 21 janvier 1790 qui fixe la punition des coupables, mais pas celle faisant de la dĂ©capitation l’unique moyen de mise Ă  mort14. C’est le Code pĂ©nal, adoptĂ© entre le 25 septembre et le 6 octobre 1791, qui, en son article 3, entĂ©rine ce choix III. Tout condamnĂ© aura la tĂȘte tranchĂ©e15. » 16 Ibid., p. 1 17 Anne Carol, Devant l’échafaud
 », art. citĂ©, p. 146. 18 Guillaume Mazeau, Émotions politiques la RĂ©volution française », dans Alain Corbin, Jean-Jacque ... 9Outre la dĂ©capitation, le Code pĂ©nal explicite clairement la volontĂ© des dĂ©putĂ©s de mettre un terme aux supplices II. La peine de mort consistera dans la simple privation de la vie, sans qu’il puisse jamais ĂȘtre exercĂ© aucune torture envers les condamnĂ©s16. » Cette recherche de l’absence de souffrance est centrale dans le choix d’une dĂ©capitation mĂ©canique. En effet, jusqu’à la RĂ©volution, la souffrance infligĂ©e constitue le cƓur des peines afflictives17. » Le Salut du condamnĂ©, mis en pĂ©ril par son crime, ne peut ĂȘtre assurĂ© que par la souffrance Ă©prouvĂ©e lors du chĂątiment. Or, de nombreuses critiques Ă  l’endroit de cette conception de la peine capitale ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©es, particuliĂšrement dans la seconde moitiĂ© du xviiie siĂšcle. Elles ont dĂ©noncĂ© la brutalitĂ© et l’inhumanitĂ© de la justice pĂ©nale, notamment Ă  l’occasion de quelques cĂ©lĂšbres exĂ©cutions, Ă  l’image de celles de Robert-François Damiens en 1757, de Calas en 1762, du chevalier de la Barre et de Lally-Tollendal en 176618. 19 Cesare Beccaria, Des dĂ©lits et des peines, Philadelphie, 1766 1764, p. 60. 20 Diane Bernard et Damien Scalia, Retour Ă  la proportion selon Beccaria dans le droit pĂ©nal interna ... 21 NĂ© en Clermont-Ferrand le 30 novembre 1625, Jean Domat est l’un des jurisconsultes français majeurs ... 22 Yves Cartuvyels, D’oĂč vient le code pĂ©nal ? Une approche gĂ©nĂ©alogique des premiers codes pĂ©naux abs ... 10De mĂȘme, l’influence du juriste italien Cesare Beccaria et de son Des dĂ©lits et des peines a participĂ© de l’évolution de la conception de la peine capitale, lui qui rejette l’inutile profusion des supplices19. » Si Beccaria a une place importante dans cette Ă©volution, il est rĂ©ducteur de le considĂ©rer comme ayant, seul, influencĂ© la conception du droit pĂ©nal et, par extension, de la peine de mort. En effet, Beccaria est influencĂ© par Montesquieu qui, dans De l’esprit des Lois en 1748, dĂ©fend par exemple le principe de proportionnalitĂ© des peines20. Cette volontĂ© rĂ©formatrice est en rĂ©alitĂ© prĂ©sente dĂšs le xviie siĂšcle, notamment sous la plume de Jean Domat21. Ce dernier est l’un des premiers Ă  poser le principe de proportionnalitĂ© des dĂ©lits et des peines, Ă  reconnaĂźtre l’existence de circonstances attĂ©nuantes et aggravantes, Ă  distinguer les homicides volontaire et involontaire et Ă  penser le libre-arbitre comme fondement de la responsabilitĂ© pĂ©nale. Rejetant une distinction fondĂ©e sur l’état social des individus, Domat peut alors ĂȘtre considĂ©rĂ© comme l’un des premiers Ă  penser l’égalitĂ© des sujets de droit devant la loi pĂ©nale22 ». 23 À ceci prĂšs que les Parlements, en 1788, refusent d’enregistrer la rĂ©forme comportant l’abolition d ... 11Le Code pĂ©nal de 1791 s’ancre donc dans un hĂ©ritage rĂ©formateur lointain, mais poursuit aussi des rĂ©formes entamĂ©es par la monarchie française Ă  la fin du xviiie siĂšcle. En 1780, Louis XVI abolit ainsi la question prĂ©paratoire puis, en 1788, la question prĂ©alable23. La premiĂšre Ă©tait appliquĂ©e au cours de la procĂ©dure pour obtenir les aveux du suspect. La seconde, quant Ă  elle, appliquĂ©e avant l’exĂ©cution, avait pour but de faire avouer au condamnĂ© le nom de ses complices. 24 Le long drop, pendaison qui entraine une mort immĂ©diate par arrachement des vertĂšbres, n’est mis au ... 12Si la volontĂ© d’abolir les souffrances est clairement exprimĂ©e dans les dĂ©bats sur le Code pĂ©nal, son application concrĂšte est plus difficile. La souffrance est alors intimement liĂ©e Ă  la question de la temporalitĂ©. L’abolition des souffrances a donc, comme corollaire, l’abolition de la durĂ©e. Une peine de mort sans souffrance ne peut ainsi ĂȘtre qu’instantanĂ©e. La pendaison n’étant pas instantanĂ©e24, la dĂ©capitation apparait lĂ  encore comme idoine. Ce faisant, le choix de la dĂ©capitation renvoie Ă  la fois Ă  une volontĂ© de rendre la peine capitale Ă©galitaire, sur le modĂšle de l’ancien privilĂšge nobiliaire, et Ă  un but humaniste, celui de la fin des supplices qui prolongeaient la souffrance du condamnĂ©. Le choix d’une dĂ©capitation mĂ©canique 25 Rapport de Charles-Henri Sanson au ministre de la justice sur le mode de dĂ©capitation » citĂ© in e ... 13Au cours de l’Ancien rĂ©gime, c’est le bourreau qui, maniant gĂ©nĂ©ralement une lourde Ă©pĂ©e, tranche la tĂȘte d’un condamnĂ© qui se tient Ă  genoux. En mars 1792, le bourreau de Paris, Charles-Henri Sanson, rend un rapport Ă  l’AssemblĂ©e sur cette question25. Il y fait Ă©tat de plusieurs inquiĂ©tudes Quel sera le comportement des condamnĂ©s ? S’ils venaient Ă  dĂ©faillir, la lame passerait soit trop haut, soit trop bas. Comment prĂ©dire que le bourreau, face Ă  l’augmentation inĂ©luctable des dĂ©capitations, ne s’épuise pas aprĂšs plusieurs exĂ©cutions ? Quid de la qualitĂ© d’une lame qui ne manquera pas de s’émousser aprĂšs plusieurs exĂ©cutions et qui, d’aprĂšs Sanson, se casse souvent ? Sanson souligne Ă©galement la problĂ©matique du sang versĂ© lors de la dĂ©capitation 26 Ibid., p. 31 Il est Ă  examiner que, lorsqu’il y aura plusieurs condamnĂ©s qui seront exĂ©cutĂ©s au mĂȘme instant, la terreur que prĂ©sente cette exĂ©cution, par l’immensitĂ© de sang qu’elle produit, et qui se trouve rĂ©pandu, portera l’effroi et la faiblesse dans l’ñme du plus intrĂ©pide de ceux qui resteront Ă  exĂ©cuter26. 14L’AssemblĂ©e confie au procureur gĂ©nĂ©ral syndic du dĂ©partement de la Seine, Pierre-Louis Roederer, la mission de rĂ©soudre les problĂšmes liĂ©s Ă  la dĂ©capitation manuelle. Il sollicite le concours d’Antoine Louis, secrĂ©taire perpĂ©tuel de l’AcadĂ©mie royale de chirurgie. Dans son avis, joint au dĂ©cret du 20 mars 1792 qui fixe les modalitĂ©s de la dĂ©capitation, Antoine Louis conclut que la mĂ©canisation de la peine de mort est le seul moyen de respecter la volontĂ© humaniste exprimĂ©e dans l’article 2 du Code pĂ©nal 27 DĂ©cret du 20 mars 1792 qui fixe le mode de la dĂ©collation des condamnĂ©s Ă  mort », dans Collection ... En considĂ©rant la structure du col, dont la colonne vertĂ©brale est le centre, composĂ©e de plusieurs os dont la connexion forme des enchevauchures, de maniĂšre qu’il n’y a pas de joint Ă  chercher, il n’est pas possible d’ĂȘtre assurĂ© d’une prompte et parfaite sĂ©paration, en la confiant Ă  un agent susceptible de varier en adresse par des causes morales et physiques. Il faut nĂ©cessairement, pour la certitude du procĂ©dĂ©, qu’il dĂ©pende de moyens mĂ©caniques invariables, dont on puisse Ă©galement dĂ©terminer la force et l’effet27. 15Antoine Louis donne Ă©galement le dĂ©tail de la machine qui, pour lui, supplĂ©era au bourreau et Ă  sa lame 28 Ibid. Le mode de dĂ©collation sera uniforme dans tout l’empire. Le corps du criminel sera couchĂ© sur le ventre entre deux poteaux barrĂ©s par le haut d’une traverse, d’oĂč l’on fera tomber sur le col une hache convexe au moyen d’une dĂ©clique le dos de l’instrument sera assez fort et assez lourd pour agir efficacement, comme le mouton qui sert Ă  enfoncer des pilotis et dont la force augmente en fonction de la hauteur dont il tombe28. 29 Ibid. 30 Le National Museum of Scotland en conserve un exemplaire ... 16Il rappelle Ă©galement qu’il n’a pas imaginĂ© ex nihilo la future guillotine C’est le parti qu’on a pris en Angleterre29. » Il fait lĂ  rĂ©fĂ©rence Ă  la Maiden » ou gibier d’Halifax », machine Ă  dĂ©capiter en fonctionnement dans le nord de l’Angleterre et en Écosse entre la seconde moitiĂ© du xvie et le dĂ©but du xviiie siĂšcle30. 31 DĂ©cret du 20 mars 1792 qui fixe le mode de la dĂ©collation des condamnĂ©s Ă  mort », dans Collection ... 32 Antoine de Baecque, Les ridicules de l’homme nouveau. Un groupe de satiristes sous la RĂ©volution ... 33 Les Actes des ApĂŽtres, no 10, Paris, 1789, p. 13-14. 34 Ibid., p. 15-16. 17Se rangeant Ă  son opinion, les dĂ©putĂ©s adoptent, le 25 mars 1792, le principe d’une dĂ©capitation mĂ©canique, garante d’une peine de mort plus humaniste, dans une formulation qui ne mentionne pas le terme de guillotine L’AssemblĂ©e nationale, aprĂšs avoir dĂ©crĂ©tĂ© l’urgence, dĂ©crĂšte que l’article III du titre premier du Code pĂ©nal sera exĂ©cutĂ© suivant la maniĂšre indiquĂ©e & le mode adoptĂ© par la consultation signĂ©e du SecrĂ©taire perpĂ©tuel de l’AcadĂ©mie de Chirurgie31. » En effet, la dĂ©nomination de guillotine n’a rien d’officielle. Renvoyant au rĂŽle mineur jouĂ© par le dĂ©putĂ© Guillotin, elle apparait pour la premiĂšre fois dans le numĂ©ro 10 du journal royaliste Les Actes des ApĂŽtres, fondĂ© par Jean-Gabriel Peltier fin octobre 178932 Les membres qui sont d’avis du nom de l’auteur n’ont pas eu de peine Ă  trouver la dĂ©nomination douce & coulante de guillotine33. » Suit une chanson satirique, sur l’air grave du menuet d’Exaudet », qui se conclut sur Qui simplement nous tuera,/Et que l’on nommera/Guillotine34. » Si le terme de guillotine, dĂšs la pĂ©riode rĂ©volutionnaire, est l’un des plus utilisĂ©s, il n’en demeure pas moins concurrencĂ© par d’autres. Louison », Louisette » – qui rappellent la responsabilitĂ© d’Antoine Louis –, glaive patriotique », hache de la loi », poignard des patriotes », cravate Ă  Capet » ou Mirabelle » sont autant d’expressions qui ont cours, mais avec moins de succĂšs, pendant la dĂ©cennie rĂ©volutionnaire. 18Construite par Tobias Schmitt, fabricant de clavecins installĂ© Ă  Paris, sous la conduite d’Antoine Louis, puis testĂ©e entre mars et avril 1792, la guillotine entre en fonction le 25 avril 1792 Ă  l’occasion de l’exĂ©cution de Nicolas-Jacques Pelletier, condamnĂ© Ă  mort pour vol avec violence. La guillotine une imperfection technologique de la violence impersonnelle »35 ? La justice rĂ©volutionnaire Ă  Toulouse en l’an II 36 DĂ©cret du 10 mars 1793 portant Ă©tablissement d’un tribunal criminel extraordinaire pour juger les ... 37 Michel Biard, Missionnaires de la RĂ©publique les reprĂ©sentants du peuple en mission, 1793-1795, P ... 38 Ibid., p. 71 19AprĂšs que la Convention, le 10 mars 1793, a autorisĂ© les reprĂ©sentants en mission dans les dĂ©partements Ă  faire traduire audit tribunal [rĂ©volutionnaire de Paris] les conspirateurs qui exciteraient du trouble et s’opposeraient aux opĂ©rations importantes dont [les reprĂ©sentants] sont chargĂ©s36 », elle entĂ©rine, le 19 mars suivant, la possibilitĂ© pour ces mĂȘmes reprĂ©sentants de modifier le fonctionnement des tribunaux criminels dĂ©partementaux en leur permettant de juger rĂ©volutionnairement. Le rĂŽle de ces reprĂ©sentants est dĂ©terminant dans l’analyse et la comprĂ©hension des mĂ©canismes rĂ©pressifs dans les diffĂ©rents dĂ©partements, ainsi que l’a montrĂ© Michel Biard37. Il souligne d’ailleurs que les reprĂ©sentants, loin de l’image d’envoyĂ©s sanguinaires venus terroriser les dĂ©partements qui leur est parfois accolĂ©e, constituent un rouage majeur permettant l’application et l’exĂ©cution des lois en province, le tout dans le cadre d’une mission prĂ©cise et sous le contrĂŽle strict de la Convention. Loin d’incarner l’arbitraire de la Convention, ils ont su se fondre dans la vie politique de leur espace de mission, comprendre et utiliser les diffĂ©rents rĂ©seaux politiques et de sociabilitĂ© qui structurent les dĂ©partements38. 39 Sur la difficultĂ© de distinguer les diffĂ©rents groupes rĂ©volutionnaires, voir, entre autres, Michel ... 40 S’il y a accord, en novembre 1793, sur la possibilitĂ© pour le tribunal criminel d’adopter une procĂ© ... 20Par ailleurs, c’est la SociĂ©tĂ© populaire, regroupant les militants rĂ©volutionnaires locaux proches des Jacobins39, qui demande au reprĂ©sentant l’instauration d’une justice rĂ©volutionnaire Ă  Toulouse, soulignant ainsi les liens fort entre reprĂ©sentants et organes rĂ©volutionnaires locaux40. 41 Pierre Paganel 1745-1826 est dĂ©putĂ© du Lot-et-Garonne Ă  la Convention nationale. 42 Joseph Cassanyes 1758-1843 est dĂ©putĂ© des PyrĂ©nĂ©es-Orientales Ă  la Convention nationale. 21Suite Ă  cette demande, le 15 novembre 1793, le reprĂ©sentant en mission en Haute-Garonne, Pierre Paganel41, et le reprĂ©sentant en mission prĂšs l’armĂ©e des PyrĂ©nĂ©es-Orientales, Joseph Cassanyes42, octroient au tribunal criminel du dĂ©partement le droit de juger rĂ©volutionnairement Sur la demande de la SociĂ©tĂ© populaire, les reprĂ©sentants du peuple en sĂ©ance Ă  Toulouse – ConsidĂ©rant que le chĂątiment exemplaire des ennemis de la RĂ©volution, dont les manƓuvres et les complots ont mis en pĂ©ril la libertĂ©, importe au succĂšs des mesures rĂ©volutionnaires dĂ©crĂ©tĂ©es par la Convention nationale et arrĂȘtĂ©s par les reprĂ©sentants du peuple en sĂ©ance dans les dĂ©partements et auprĂšs des armĂ©es ; – considĂ©rant que les formes auxquelles sont assujettis les tribunaux ordinaires ne doivent ni arrĂȘter ni mĂȘme ralentir la marche rĂ©volutionnaire adoptĂ©e par la Montagne de la Convention nationale ; – considĂ©rant que les grands coupables reclus dans les maisons d’arrĂȘt de Toulouse sont rĂ©clamĂ©s par la justice nationale. – Nous, reprĂ©sentants du peuple, arrĂȘtons 43 AD de Haute-Garonne, 1 L 1042, piĂšce 69, fo 1. Que le Tribunal criminel de Toulouse est provisoirement Ă©rigĂ© en tribunal rĂ©volutionnaire Ă  l’instar de celui de Paris43. 44 Michel Biard et Marisa Linton, Terreur !..., op. cit., p. 99. 22La possibilitĂ©, pour les tribunaux criminels dĂ©partementaux, de juger rĂ©volutionnairement ne signifie pas l’abandon des rĂšgles pĂ©nales ordinaires. Si l’adjectif extraordinaire » devient, au cours de l’annĂ©e 1792, progressivement un synonyme de rĂ©volutionnaire », autrement dit va servir Ă  dĂ©finir ce qui, en des temps extraordinaires, relĂšve de mesures prises en application d’une loi qui n’aurait pu voir le jour dans un contexte paisible44 », il ne se substitue pas Ă  la marche ordinaire de la justice, a minima Ă  Toulouse. Les deux justices continuent d’exister, cĂŽte-Ă -cĂŽte. En effet, le tribunal criminel de la Haute-Garonne continue ainsi de juger, en plus petit nombre certes, des affaires criminelles au cours de l’exercice de la justice rĂ©volutionnaire. La mention provisoirement Ă©rigĂ© » renvoie bien Ă  un contexte de crise nĂ©cessitant des mesures d’urgence, mais nĂ©anmoins pensĂ©es dans le cadre pĂ©nal existant. Cependant, l’usage de nommer ce tribunal Tribunal rĂ©volutionnaire de Toulouse », notamment sous la plume de Paganel et Cassanyes, est trompeur. Il pourrait laisser penser que le fait de donner, dans un temps limitĂ©, des moyens extraordinaires – ou rĂ©volutionnaires – Ă  un tribunal criminel dĂ©partemental s’apparenterait Ă  une transformation de celui-ci en tribunal rĂ©volutionnaire. Or, le tribunal criminel de Haute-Garonne jugeant rĂ©volutionnairement n’est pas un tribunal rĂ©volutionnaire au mĂȘme titre que celui de Paris, créé ex-nihilo. De ce fait, pour ne pas entretenir la confusion, nous choisissons de continuer Ă  le nommer, faute d’une formulation plus synthĂ©tique, tribunal criminel jugeant rĂ©volutionnairement ». 45 DĂ©cret du 17 septembre 1793 qui ordonne l’arrestation des personnes suspectes », dans Collection ... 46 Les prisons toulousaines comptent prĂšs d’un millier de suspects au plus fort de la rĂ©pression. Voir ... 23Par ailleurs, le dĂ©cret de novembre 1793 mentionne les grands coupables reclus dans les maisons d’arrĂȘt de Toulouse », faisant ici Ă©cho Ă  la hausse des arrestations suite Ă  la loi du 17 septembre 179345. Les prisons toulousaines sont en effet pleines46 et, dans l’esprit de Paganel et de la SociĂ©tĂ© populaire de Toulouse, la punition des coupables passe par l’adoption de mesures provisoires et extraordinaires pour accĂ©lĂ©rer le fonctionnement du tribunal. 24Pourquoi la SociĂ©tĂ© populaire, en novembre 1793, ressent-elle, au-delĂ  de la nĂ©cessitĂ© de vider les prisons surpeuplĂ©es, le besoin d’instaurer une justice extraordinaire ? Trois facteurs principaux permettent de le comprendre. 47 Ainsi, le 20 vendĂ©miaire an II 11 octobre 1793, le tribunal criminel envoie L. Denis Ă  la guillot ... 25La guerre franco-espagnole constitue le premier de ces facteurs. Le conflit dĂ©bute le 7 mars 1793 quand la Convention dĂ©clare la guerre Ă  son voisin transpyrĂ©nĂ©en aprĂšs plusieurs mois de tension et de rupture des relations diplomatiques entre les deux pays suite Ă  l’exĂ©cution de Louis XVI, le 21 janvier 1793. Toulouse devient l’un des centres logistiques des armĂ©es françaises engagĂ©es sur le front pyrĂ©nĂ©en. Les premiĂšres dĂ©faites françaises font naĂźtre, Ă  partir de septembre 1793, la peur d’une invasion de la ville, d’un siĂšge et de la famine47. Les ennemis de l’intĂ©rieur », tout particuliĂšrement les prĂȘtres, accusĂ©s de soutenir l’Espagne catholique, sont pourchassĂ©s. 48 Philippe Nelidoff, La municipalitĂ© de Toulouse pendant la RĂ©volution française 1789-1795, thĂšse d ... 49 Le 3 mars 1794, Jean-Joseph Virebent, puis, le 20 avril 1794, Garnault, tous deux membres de la mun ... 50 Le 29 juin 1794, Marc Derrery, DelbĂšze, Loubet, Douziech, commandant de la garde nationale, Ruffat, ... 26La crise fĂ©dĂ©raliste – qui constitue le deuxiĂšme facteur – vient, dans l’ensemble de notre espace, accroĂźtre les tensions. Si la SociĂ©tĂ© populaire demeure fidĂšle Ă  la Convention, les autoritĂ©s municipales et dĂ©partementales, elles, hĂ©sitent avant, le 26 juin 1793, de finalement refuser de se joindre aux protestations contre la mise en Ă©tat d’arrestation, Ă  Paris, des meneurs girondins48. À Toulouse, le fĂ©dĂ©ralisme est d’autant plus combattu qu’il constitue un pĂ©ril supplĂ©mentaire s’ajoutant Ă  celui espagnol, faisant naitre chez les autoritĂ©s une angoisse face Ă  la pluralitĂ© des menaces. Ainsi, plusieurs membres de la municipalitĂ© sont condamnĂ©s Ă  mort par le tribunal criminel de Haute-Garonne jugeant rĂ©volutionnairement au cours du printemps 179449, puis par le tribunal rĂ©volutionnaire, Ă  Paris, en juin 179450. 51 ValĂ©rie Sottocasa, MĂ©moires affrontĂ©es. Protestants et catholiques face Ă  la RĂ©volution dans les mo ... 52 Ce soutien, par exemple dans le Gers et une partie du Tarn, se borne au fait de cacher les prĂȘtres ... 27Enfin, troisiĂšme facteur, la prĂ©sence d’insurrections contre-rĂ©volutionnaires dans les dĂ©partements proches de la LozĂšre et de l’Aveyron, suite Ă  la levĂ©e en masse de 179351, comme le soutien latent de la population rurale autour de Toulouse aux clercs rĂ©fractaires52, peuvent donner le sentiment aux rĂ©volutionnaires toulousains de constituer une citadelle assiĂ©gĂ©e » au milieu d’espaces ruraux potentiellement hostiles aux idĂ©es rĂ©volutionnaires, et, ce faisant, renforcer l’anxiĂ©tĂ© des autoritĂ©s toulousaines. 53 Les mois de pluviĂŽse, ventĂŽse et germinal an II de janvier Ă  avril 1794 sont ainsi les plus meurt ... 54 DĂ©cret du 19 florĂ©al an II 8 mai 1794 qui rĂšgle la compĂ©tence du tribunal rĂ©volutionnaire de Pa ... 55 Ibid. 56 Germain Sicard, Le procĂšs des parlementaires toulousains devant le tribunal rĂ©volutionnaire », da ... 28La rĂ©pression Ă©tant contenue dans l’horizon du conflit franco-espagnol – entretenue par les fractures politiques parisiennes, dont l’écho Ă  l’échelle locale est Ă  ne pas minorer, comme par une insĂ©curitĂ© latente dans les campagnes relativement proches –, elle dĂ©croit avec le retournement de situation et les victoires françaises du printemps 179453, avant de s’achever avec le dĂ©cret du 19 florĂ©al an II 8 mai 179454. Ce dernier supprime en effet les tribunaux et commissions rĂ©volutionnaires Ă©tablis dans quelques dĂ©partements par les arrĂȘtĂ©s des reprĂ©sentants du peuple55. » Les accusĂ©s passibles de la justice rĂ©volutionnaire sont dĂ©sormais envoyĂ©s au tribunal rĂ©volutionnaire de Paris. C’est ainsi que cinquante-trois anciens parlementaires toulousains sont jugĂ©s, condamnĂ©s Ă  mort et exĂ©cutĂ©s Ă  Paris entre le printemps et l’étĂ© 179456. La justice rĂ©volutionnaire Ă  Toulouse se dĂ©ploie donc surtout Ă  l’automne 1793, car les autoritĂ©s locales ont les moyens lĂ©gaux de la mettre en Ɠuvre, dans un contexte de peur grandissante dont l’acmĂ© se situe Ă  cette pĂ©riode. 57 Pierre-Arnaud Dartigoeyte 1763-1812 est dĂ©putĂ© des Landes Ă  la Convention nationale entre 1792 et ... 58 AD de Haute-Garonne, 7 L 202 U 175. 59 Il s’agit de l’actuelle place du Capitole. La guillotine Ă©tait alors situĂ©e en face du Capitole, au ... 29Si le personnel des tribunaux criminel et de district s’avĂšre rĂ©guliĂšrement modifiĂ© au grĂ© des diffĂ©rentes Ă©purations, il est possible de prĂ©senter briĂšvement les deux figures principales du tribunal criminel jugeant rĂ©volutionnairement. Sur dĂ©cision du reprĂ©sentant en mission Pierre-Arnaud Dartigoeyte57, la prĂ©sidence Ă©choit Ă  François-Joseph Hugueny, prĂ©sident du tribunal de district de Grenade, et la fonction d’accusateur public Ă  Jean-Pierre Cappelle, juge au tribunal de district de Revel58. Les trois juges du tribunal jugeant rĂ©volutionnairement sont choisis parmi ceux des tribunaux de district de Haute-Garonne. Chaque district dĂ©signe Ă©galement un jurĂ© pour composer le jury populaire de douze citoyens, Ă  l’exception de celui de Toulouse, qui en dĂ©signe cinq. La guillotine, quant Ă  elle, est maintenue dressĂ©e en permanence pendant l’exercice de la justice rĂ©volutionnaire, place de la LibertĂ©59. 60 AD de Haute-Garonne, 1 J 601, piĂšces 1 et 2 ; 8 L 204 U 88, piĂšces 1 Ă  15. 61 Il s’agit d’Antoinette-Adrienne de Rabaudy, exĂ©cutĂ©e le 2 mars 1794. Voir, Ă  son propos, Guillaume ... 62 Michel Biard et Marisa Linton, Terreur !..., op. cit., p. 111 ; et Antoine Boulant, Le Tribunal rĂ©v ... 63 Michel Biard et Marisa Linton, Terreur !..., op. cit., p. 111. 30La premiĂšre audience se tient le 14 janvier 1794. Jusqu’au printemps 1794, quatre-vingt-sept accusĂ©s sont jugĂ©s. Quarante-cinq d’entre eux sont acquittĂ©s et relaxĂ©s et quarante-trois sont condamnĂ©s60. Parmi ces derniers, douze sont condamnĂ©s Ă  des peines autres que la mort amende dans la plupart des cas, prison ou dĂ©portation et trente-et-un Ă  la peine capitale. L’un des condamnĂ©s Ă  mort parvient Ă  s’échapper, portant le total d’exĂ©cutĂ©s Ă  trente individus, dont une femme61. En somme, le tribunal a autant condamnĂ© 49 % qu’acquittĂ© 51 %. Si 70 % des condamnĂ©s le sont Ă  mort, seuls 34 % des accusĂ©s vont Ă  la guillotine, illustrant la relative modĂ©ration du tribunal. Ce ratio n’est cependant pas trĂšs Ă©loignĂ© de celui de la commission rĂ©volutionnaire de Lyon, qui prononce, entre le 30 novembre 1793 et le 6 avril 1794, 47,5 % d’acquittements, ou du tribunal rĂ©volutionnaire de Paris, qui, avant la rĂ©forme du 22 prairial an II 10 juin 1794, acquitte la moitiĂ© des accusĂ©s62, deux institutions jugĂ©es pourtant bien plus terribles. Il n’est Ă©videmment pas question ici de comparer ce qui n’a pas lieu d’ĂȘtre tant les deux exemples choisis ont condamnĂ© un nombre bien plus important d’individus Ă  mort, mais simplement de montrer que, proportionnellement aux audiences tenues, les rĂ©alitĂ©s sont plus nuancĂ©es qu’il n’y paraĂźt au premier abord63 ». Enfin, 73 % des condamnĂ©s sont des roturiers, contre 17 % de clercs et 10 % de nobles. Quand la guillotine rate l’exĂ©cution de Tristan-David de Beaudrigue d’Escalonne 64 Axel Duboul, Le tribunal rĂ©volutionnaire de Toulouse, 25 NivĂŽse-3 FlorĂ©al An II, 14 janvier-22 avri ... 31ÂgĂ© de vingt-deux ans et issu d’une famille de la noblesse toulousaine, Tristan-David de Beaudrigue d’Escalonne est conseiller au parlement avant la RĂ©volution. Son pĂšre, dĂ©cĂ©dĂ© en 1793, fait partie des parlementaires ayant solennellement protestĂ© comme la suppression du parlement de Toulouse64. D’Escalonne est arrĂȘtĂ© une premiĂšre fois, en avril 1793, pour ĂȘtre parent d’un noble Ă©migrĂ© avant d’ĂȘtre relĂąchĂ© quelques jours plus tard. 65 AD de Haute-Garonne, 8 L 204 U 7, piĂšces 2, f° 1 et 2. 66 AD de Haute-Garonne, 8 L 204 U 7, piĂšce 2, f° 4. 67 Ibid. 68 AD de Haute-Garonne, 8 L 204 U 7, piĂšce 5, f° 1. 69 AD de Haute-Garonne, 8 L 204 U 7, piĂšce 14, f° 1 et 2. 32Le 21 fĂ©vrier 1794, il est dĂ©noncĂ© par le comitĂ© de surveillance de Toulouse sur demande de la SociĂ©tĂ© populaire. En effet, il est accusĂ© d’avoir tenu des propos contre-rĂ©volutionnaires et d’avoir, avec d’autres individus, invectivĂ© violemment les reprĂ©sentants Baudot et Chaudron-Rousseau en pleine sĂ©ance de l’assemblĂ©e des autoritĂ©s constituĂ©es, le 13 juin 179365. Il est difficile de savoir pourquoi des faits datant de juin 1793 lui sont reprochĂ©s fin fĂ©vrier 1794, et pas avant. ArrĂȘtĂ© le 22 fĂ©vrier, il est interrogĂ© deux jours durant. Le 22 fĂ©vrier, le prĂ©sident du tribunal, Hugueny, dirige l’interrogatoire et cherche Ă  dĂ©terminer, d’une part, si les propos tenus par le prĂ©venu sont avĂ©rĂ©s et, d’autre part, s’il fait partie d’un complot contre la RĂ©volution Ă  Toulouse. À nouveau interrogĂ© le lendemain par le juge Guimbert, remplaçant Hugueny, les questions posĂ©es sont les mĂȘmes que la veille66. Le rĂ©sultat n’est pas probant, d’Escalonne reconnaissant avoir tenu les propos qui lui sont reprochĂ©s, mais niant sa participation Ă  un complot67. Guimbert recueille le tĂ©moignage d’un dĂ©nommĂ© François Aymes et le joint Ă  la procĂ©dure. Ce tĂ©moignage est Ă  charge contre le prĂ©venu et confirme que celui-ci s’en est violemment pris aux reprĂ©sentants68. Le 24 fĂ©vrier, l’acte d’accusation est rĂ©digĂ© et l’audience est fixĂ©e au lendemain. Le 25 fĂ©vrier, Tristan David est condamnĂ© Ă  mort et guillotinĂ© place de la LibertĂ©69. 33Les piĂšces du dossier de Beaudrigue d’Escalonne montrent que les juges et les jurĂ©s fondent leur dĂ©cision sur un double interrogatoire de l’accusĂ©, ainsi que sur un tĂ©moignage Ă  charge. Aussi discutable que soit la sĂ©vĂ©ritĂ© du jugement, il n’en demeure pas moins que l’exercice de la justice rĂ©volutionnaire ne fait pas l’économie du respect des formes juridiques et de la constitution d’un dossier d’accusation aussi solide que possible. 70 AD Haute-Garonne, 8 L 204 U 7, piĂšce 14, f°1 et 2. 71 Axel Duboul, Le tribunal rĂ©volutionnaire de Toulouse
, op. cit., p. 89 72 Ibid., p. 90. 34D’Escallone quitte sa prison, situĂ©e dans l’actuel Palais de Justice, pour ĂȘtre exĂ©cutĂ©70. À la diffĂ©rence de l’usage parisien, il n’y a pas, Ă  Toulouse, de charrette pour les condamnĂ©s. Ces derniers doivent donc effectuer le trajet Ă  pied, prĂ©cĂ©dĂ©s d’un tambour et encadrĂ©s par la garde nationale. Au moment de son exĂ©cution sur la place de la LibertĂ©, le jeune homme refuse de monter Ă  l’échafaud. Il doit ĂȘtre tirĂ© par les gardes nationaux afin de gravir les marches menant Ă  la guillotine. Loin de se calmer Ă  l’approche de la machine, il fond en larmes et rĂ©siste plus fortement. Les aides du bourreau doivent prĂȘter main-forte aux gardes nationaux. Ils se saisissent de lui afin de le placer sur la planche pour, ensuite, le basculer Ă  l’horizontale et le glisser sous les montants de la guillotine. D’Escalonne se dĂ©bat au point d’entraver son positionnement sur la machine. Le bourreau ne le repositionne pas correctement et tire sur la corde afin de libĂ©rer la lame. Celle-ci ne tranche pas entiĂšrement la tĂȘte. L’exĂ©cuteur doit alors remonter en urgence la lame afin de terminer la dĂ©collation, offrant Ă  la foule le spectacle d’une tĂȘte pantelante, partiellement tranchĂ©e71. Cette mĂȘme foule se serait Ă©mue devant cette exĂ©cution contraire Ă  tous les principes d’instantanĂ©itĂ© et d’humanisme vĂ©hiculĂ©s par la machine72, grondant face Ă  la maladresse des exĂ©cuteurs et prenant ouvertement le parti du jeune homme suppliciĂ©. 73 Ibid., p. 92. 74 Ibid., p. 91. 75 Ibid., p. 91. 35Le soir mĂȘme, le citoyen Romme, jurĂ© du tribunal rĂ©volutionnaire et figure du jacobinisme toulousain, propose, lors d’une sĂ©ance de la SociĂ©tĂ© populaire, de changer la guillotine de place afin d’éviter qu’une telle scĂšne ne se reproduise sur une place aussi frĂ©quentĂ©e que celle de la LibertĂ©73. L’assemblĂ©e de la SociĂ©tĂ© populaire accepte la proposition et mandate les citoyens Romme et Benaben afin de porter cette demande auprĂšs de la municipalitĂ©74. Pour justifier ce changement de place et l’urgence qui l’accompagne, les deux citoyens dĂ©lĂ©guĂ©s par la SociĂ©tĂ© populaire soulignent qu’il est nĂ©cessaire d’agir rapidement, car il est important de cacher la vue du sang et Ă©viter Ă  l’avenir le renouvellement de “cette senne dĂ©goutante et dĂŽreur” [sic]75 ». La municipalitĂ© en dĂ©bat rapidement. Le 27 fĂ©vrier, le maire Jean-Jacques Groussac Ă©crit Ă  Hugueny, prĂ©sident du tribunal rĂ©volutionnaire, que la proposition a Ă©tĂ© acceptĂ©e et lui enjoint de procĂ©der au dĂ©placement de la guillotine. Je te prĂ©viens, citoyen, que [
] tu es invitĂ© Ă  faire transfĂ©rer la guillotine sur cette place, oĂč dorĂ©navant toutes les exĂ©cutions contre les ennemis de la patrie pourront ĂȘtre faites. 76 CitĂ©e par Axel Duboul en appendice no 3 du Tribunal rĂ©volutionnaire de Toulouse
, op. cit., p. 157. [
] Ainsi veuillez donner les ordres de suite pour en dĂ©livrer les regards des citoyens qui promĂšneront demain sur la place de la LibertĂ©76. 77 AD de Haute-Garonne, 1 J 601, piĂšce 2. 36C’est chose faite dans la journĂ©e, car le procĂšs-verbal d’exĂ©cution d’un certain Olombel prĂ©cise que la peine de capitale a Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©e le 27 fĂ©vrier 1794, place de la RĂ©volution77. Les mentalitĂ©s autour des exĂ©cutions publiques 78 Voir, Ă  ce propos, entre autres rĂ©fĂ©rences, Gustave Le Bon, Psychologie des foules, Paris, Presses ... 79 Pascal Bastien, L’exĂ©cution publique Ă  Paris au xviiie siĂšcle. Une histoire des rituels judiciaires... 37Qu’extraire de ce rĂ©cit ? Ce tragique Ă©vĂ©nement met en lumiĂšre qu’une exĂ©cution qui Ă©choue fait horreur, pose problĂšme et crĂ©e du dĂ©goĂ»t la guillotine n’est plus le symbole positif de la RĂ©volution, mais une machine dĂ©rangeante. Cela se lit dans l’expression de cette sensibilitĂ© trĂšs prononcĂ©e – ainsi la mention dĂ©goutante d’horreur » – comme dans l’urgence de dĂ©livrer les regards des citoyens » de la vue de la guillotine dans une pĂ©riode pourtant considĂ©rĂ©e comme le pic de la rĂ©pression Ă  Toulouse. La rĂ©action de la foule est Ă©galement intĂ©ressante. Sans entrer dans une analyse dĂ©taillĂ©e des Ă©motions et rĂ©actions de la foule78, il convient nĂ©anmoins de souligner qu’une telle rĂ©action dĂ©sapprobatrice des spectateurs de l’exĂ©cution publique s’ancre dans un hĂ©ritage ancien, particuliĂšrement lors d’exĂ©cutions ratĂ©es du fait de la maladresse ou de l’incompĂ©tence du bourreau79. 80 Anne Carol, Physiologie de la Veuve
, op. cit., p. 57 81 Ibid. ; et AurĂ©lien Vivie, Histoire de la Terreur Ă  Bordeaux, Bordeaux, FĂ©ret et fils, 1877, p. 252 82 BibliothĂšque municipale de Toulouse, P 14226, L’Anti-Terroriste du 30 avril 1796, supplĂ©ment, p. 2. 83 Anne Carol, Physiologie de la Veuve
, op. cit., p. 56. 84 Rapport sur la machine Ă  dĂ©capiter, Guiraud, 5 juin 1792 » dans Revue rĂ©trospective, Paris, ... 38C’est le cas Ă  Toulouse, mais aussi ailleurs en province Ă  Lyon, l’exĂ©cution de Marie-Joseph Chalier, le 17 juillet 1793, a ratĂ© le bourreau doit terminer le travail au couteau80. À Bordeaux, le 4 juin 1794, le bourreau, ivre, Ă©choue Ă  trancher correctement la tĂȘte et doit faire tomber la lame plusieurs fois. Les frĂšres Peyrussan, exĂ©cuteurs bordelais, sont mĂȘme jugĂ©s pour cruautĂ©s inutiles suite Ă  leurs nombreux ratĂ©s, alors mĂȘme que la faute en reviendrait Ă  une guillotine dĂ©fectueuse81. En avril 1796, toujours Ă  Toulouse, un nouveau ratĂ© est constatĂ©, obligeant, lĂ  aussi, le bourreau Ă  couper la tĂȘte Ă  l’aide d’un couteau82. Par ailleurs, il faut noter l’existence de guillotines construites Ă  la va-vite et dont la mĂ©canique, parfois, s’enraye dans le dĂ©partement du Var, en 1793, Ă  peine la machine est-elle arrivĂ©e que l’accusateur public se fait Ă©cho d’une mĂ©canique dĂ©fectueuse83. DĂšs juin 1792, Guiraud, architecte en chef, expertise la guillotine parisienne et note plusieurs problĂšmes au niveau des gouttiĂšres qui permettent la chute de la lame et des vis qui la soutiennent. La conclusion de Guiraud est sans appel Il rĂ©sulte de notre examen et de notre apprĂ©ciation que cette machine, quoique bien conçue en elle-mĂȘme, n’est pas portĂ©e au degrĂ© de perfection dont elle est susceptible, et qui, pour la tranquillitĂ© publique, devrait y ĂȘtre ajoutĂ©e84. » 85 Regina Janes, Beheadings », art. citĂ©, p. 21. 39Les ratĂ©s, sans ĂȘtre nombreux, battent en brĂšche la fiabilitĂ© de la machine et rendent possible la tenue d’un horrible constat la guillotine peut Ă©chouer. La fin des supplices, l’absence de souffrances et la froideur de l’exĂ©cution, signe de la rigueur de la justice, volent en Ă©clats dĂšs lors que la dĂ©capitation ne se dĂ©roule pas comme prĂ©vue. L’échafaud devient alors le lieu d’une vĂ©ritable scĂšne d’horreur dont il est difficile de dĂ©passer l’abominable rĂ©alitĂ© sanglante. Loin de conclure sur la perfection technologique de la violence impersonnelle85 », il serait plus opportun de voir dans la guillotine une imperfection technologique de la violence impersonnelle ». 86 La derniĂšre dĂ©capitation exĂ©cution publique est celle d’EugĂšne Weidmann, exĂ©cutĂ© le 17 juin 1939, Ă  ... 40ConsĂ©quence de ces ratĂ©s, la guillotine entre progressivement dans certaines villes dans un processus de relĂ©gation, loin des regards publics. À Toulouse, en fĂ©vrier 1794, le choix de la nouvelle place des exĂ©cutions est rĂ©vĂ©lateur la place de la RĂ©volution est situĂ©e au nord de la citĂ©, prĂšs des portes, lĂ  oĂč la visibilitĂ© de la machine est moindre. Ce mouvement de relĂ©gation progressive de la guillotine de l’espace public se poursuit tout au long des xixe et xxe siĂšcles, triomphant en 1939 avec la suppression du caractĂšre public de la peine capitale86. Ces ratĂ©s, Ă  Toulouse du moins, rĂ©vĂšlent l’écart entre une volontĂ© visant Ă  limiter la visibilitĂ© de la peine de mort et les discours qui continuent d’en vanter l’aspect Ă©difiant comment justifier l’efficacitĂ© de la peine de mort si celle-ci est cachĂ©e ? La gĂȘne autour de la guillotine surpasse donc, dans l’esprit des rĂ©volutionnaires toulousains, les discours qui dĂ©fendent la fonction pĂ©dagogique de la peine de mort. 41La rĂ©alitĂ© toulousaine est celle d’une machine qui semble y ĂȘtre peu ou mal acceptĂ©e. Les autoritĂ©s n’ont de cesse d’en limiter la visibilitĂ©, au-delĂ  mĂȘme des exĂ©cutions ratĂ©es, ce qui ne manque pas de crĂ©er quelques tensions avec les reprĂ©sentants en mission. À Toulouse, le reprĂ©sentant Pierre-Arnaud Dartigoeyte souhaite maintenir la guillotine dressĂ©e en permanence durant l’exercice du tribunal rĂ©volutionnaire. La SociĂ©tĂ© populaire s’y oppose. C’est elle qui, la premiĂšre, initie le mouvement de dĂ©placement de la guillotine en fĂ©vrier 1794. Faut-il y voir deux sensibilitĂ©s diffĂ©rentes face Ă  la machine, l’une Ă©prouvĂ©e par le reprĂ©sentant Dartigoeyte et qui fait de la guillotine un symbole de la lutte des rĂ©volutionnaires contre leurs adversaires, l’autre par des autoritĂ©s locales plus modĂ©rĂ©es et avant tout soucieuses de conserver l’ordre public ? Peut-ĂȘtre. Il faut aussi souligner que Dartigoeyte et la sociĂ©tĂ© populaire sont en lutte afin d’avoir la main sur le processus d’épuration des diffĂ©rentes autoritĂ©s locales, une lutte dans laquelle il est donc possible de rĂ©inscrire leur divergence de points de vue Ă  propos de la guillotine. La maintenir dressĂ©e ou non reviendrait Ă  entĂ©riner la primautĂ© de l’un ou de l’autre dans la direction de la RĂ©volution dans le Midi toulousain. La guillotine permettrait dans cette perspective de lire, partiellement certes, les rapports de forces et la concurrence entre les diffĂ©rents acteurs rĂ©volutionnaires. 87 C’est notamment le cas de Daniel Arasse dans La guillotine et l’imaginaire de la Terreur, Paris, Fl ... 88 Rapport du 28 ventĂŽse an II 18 mars 1794 de Pourvoyeur » dans Pierre CARON, Paris pendant la Te ... 89 Paire de boucles d’oreilles Ă  pendeloque composĂ©e d’un bonnet phrygien Ă  cocarde et d’une guillotin ... 90 Rapport du 26 ventĂŽse an II 16 mars 1794 de Bacon » dans Pierre Caron, Paris pendant la Terreur ... 42Les Ă©tudes sur la guillotine rĂ©volutionnaire sont parfois demeurĂ©es prisonniĂšres des exĂ©cutions parisiennes87 qui, dans l’ensemble, se sont bien dĂ©roulĂ©es. La guillotine, Ă  Paris, est en effet largement inscrite positivement dans les mentalitĂ©s rĂ©volutionnaires, au moins jusqu’à l’étĂ© 1794. La place de la RĂ©volution est un vĂ©ritable espace social les citoyens et citoyennes y discutent, les exĂ©cutions de certaines figures majeures de la RĂ©volution, ainsi HĂ©bert, attirent une foule trĂšs importante88, les enfants jouent sur l’échafaud, des petites guillotines Ă  roulettes ou des boucles d’oreilles en forme de guillotine sont vendues89. Des priĂšres adressĂ©es Ă  Sainte Guillotine » sont rĂ©citĂ©es90, sans que l’on ne puisse exclure a priori que cette expression soit humoristique et parodique. La guillotine est donc, et aussi, un symbole positif celui de la RĂ©volution Ă  l’Ɠuvre qui terrasse ses ennemis et qui a dĂ©barrassĂ© la France du tyran » Louis XVI. 91 AD de l’Aveyron, 1 L 1095. Les archives de l’Aveyron conservent en effet un compte d’ouvrage Ă©tabli ... 43Cependant, si la guillotine est initialement investie comme un symbole rĂ©volutionnaire positif, particuliĂšrement chez les sans culottes, l’augmentation du nombre d’exĂ©cutions, notamment Ă  partir du printemps 1794, et une rĂ©pression qui touche de plus en plus les cadres du mouvement sans-culotte participent d’un rejet progressif de celle-ci. En effet, la rĂ©alitĂ© du spectacle de la guillotine est sanglante. Le sang, abondamment rĂ©pandu lors de la coupe de la tĂȘte, ne manque pas de tacher les montants de la guillotine, bien que peints en rouge91. Le Moniteur universel, dans son Ă©dition du 23 janvier 1794, rapporte une anecdote Ă  ce propos. Alors que les dĂ©putĂ©s, le 21 janvier 1794, se rendent sur la place de la RĂ©volution, Ă  l’invitation de la SociĂ©tĂ© des Jacobins, pour cĂ©lĂ©brer l’anniversaire de la mort de Louis XVI, une charrette conduisant quatre condamnĂ©s Ă  l’échafaud passe prĂšs d’eux. Lors de leur exĂ©cution, plusieurs dĂ©putĂ©s, dont Bourdon de l’Oise, sont aspergĂ©s du sang des condamnĂ©s. Les conventionnels semblent Ă©mus ou choquĂ©s par ce spectacle, au point que Bourdon de l’Oise, le lendemain, Ă  la tribune de la Convention, dans une rhĂ©torique qui accorde une place majeure Ă  l’émotion, demande Ă  ce que ses membres ne se rendent plus Ă  l’avenir sur cette place quand les exĂ©cutions ont lieu 92 Moniteur du 4 pluviĂŽse an II, p. 499. Il n’est personne qui n’ait ressenti la plus vive allĂ©gresse hier, en sortant de la salle pour aller cĂ©lĂ©brer l’anniversaire de la mort du tyran ; mais il ne faut pas que la Convention souffre les horreurs qu’on y a mĂȘlĂ©es. Une sociĂ©tĂ© populaire, cĂ©lĂšbre par les services que son patriotisme a rendus Ă  la libertĂ©, nous consolait un moment auparavant en prĂ©sentant Ă  notre barre des malheureux acquittĂ©s par le tribunal rĂ©volutionnaire ; nous prenions part Ă  sa joie, nous nous fĂ©licitions de voir des innocens Ă©chappĂ©s Ă  la peine due aux seuls coupables ; pourquoi donc quatre malheureux ont-ils Ă©tĂ© amenĂ©s en mĂȘme tems que nous sur la place de la RĂ©volution, pour nous souiller de leur sang ? [
] Ne souffrez pas qu’on puisse dire chez l’étranger que la Convention est allĂ©e se repaĂźtre du supplice de quatre condamnĂ©s. Qu’allions-nous faire lĂ  ? Nous allions cĂ©lĂ©brer la mort d’un roi, le chĂątiment d’un mangeur d’hommes ; mais nous ne voulions pas souiller nos regards d’un aussi dĂ©goĂ»tant et hideux spectacle. Je demande que la Convention, instruite par ce qui s’est passĂ© hier, n’aille jamais Ă  l’avenir Ă  des fĂȘtes qu’alors qu’elle en aura ordonnĂ© la marche et la police [
]92. 93 Le liquide cĂ©phalo-rachidien est Ă©galement expulsĂ© sous la forme d’un jet blanc, plus court et plus ... 94 Michel Biard et Marisa Linton, Terreur !..., op. cit., p. 154. 95 Guillaume Mazeau, Émotions politiques
 », art. citĂ©, p. 139. 96 Jean-ClĂ©ment Martin, Les Ă©chos de la Terreur. VĂ©ritĂ©s d’un mensonge d’État. 1794-2001, Paris, Belin ... 97 Voir supra. Moniteur du 4 pluviĂŽse an II, p. 499. 44Lors de la dĂ©capitation, le sang est en effet Ă©jectĂ© avec violence, car la tĂȘte est l’une des zones du corps parmi les plus irriguĂ©es. La lame de la guillotine vient sectionner les deux carotides externes et les deux internes, permettant ainsi la libĂ©ration du sang en deux jets93. Ceux-ci peuvent, du fait de l’instantanĂ©itĂ© de la coupe, atteindre les deux mĂštres de distance. L’effet de sidĂ©ration est tel que la projection de sang ne dure pas longtemps, vraisemblablement moins d’une minute, mais demeure violente. AprĂšs plusieurs exĂ©cutions, le sang forme des flaques au pied de l’échafaud et, car l’acmĂ© rĂ©pressif se situe en Ă©tĂ©, a un aspect poisseux et une odeur forte94. Sans nourrir un quelconque attrait pour cette question, il nous parait important de souligner ces aspects afin d’apprĂ©hender les rĂ©alitĂ©s concrĂštes d’une dĂ©capitation. Si la dimension sanglante de la dĂ©capitation est gĂ©nĂ©ralement admise, elle n’est que peu vĂ©ritablement Ă©tudiĂ©e par les historiens et historiennes. Or, celle-ci nous parait dĂ©terminante dans l’analyse des effets produits par la guillotine sur ses contemporains, comme dans son inscription dans les mentalitĂ©s rĂ©volutionnaires et, au-delĂ , dans son assimilation Ă  la Terreur. Aussi, Ă  mesure que la rĂ©pression s’accroit et qu’elle touche les chefs sans-culottes, la perception de la guillotine, d’abord positive chez les sans-culottes, se modifie peu Ă  peu. Signe rĂ©vĂ©lateur, la guillotine quitte la place de la RĂ©volution pour celle de la Bastille, oĂč elle ne reste que quelques jours, avant d’ĂȘtre installĂ©e place du TrĂŽne-RenversĂ©, quittant le centre de Paris pour un espace plus pĂ©riphĂ©rique95. Jean-ClĂ©ment Martin mentionne ainsi une nausĂ©e de la guillotine96 » dans les derniers mois de l’exercice du tribunal rĂ©volutionnaire. Ce rejet du spectacle de l’exĂ©cution est Ă©galement perceptible dans l’intervention de Bourdon de l’Oise du 22 janvier 179497. 45Loin de nous, dans cet article, l’idĂ©e de ne rĂ©server le rejet de la guillotine qu’à l’espace toulousain. Au contraire, nous souhaitons souligner que cet espace, du fait de sa distance avec les grands Ă©vĂ©nements parisiens, permet de rĂ©vĂ©ler plus aisĂ©ment l’embarras qui existe autour de la guillotine, une gĂȘne qui y apparait de façon plus saillante qu’à Paris, oĂč sa rĂ©alitĂ© manifeste est parfois minorĂ©e par le fort investissement rĂ©volutionnaire qu’elle connait en 1793, une gĂȘne qui apparait de façon aigue Ă  l’occasion d’une exĂ©cution ratĂ©e. Aussi, le passage par l’échelle locale et par le rĂ©cit d’une exĂ©cution ratĂ©e permettrait de mettre en lumiĂšre certaines rĂ©alitĂ©s qui ne demanderaient, ensuite, qu’à ĂȘtre infirmĂ©es ou confirmĂ©es Ă  une autre Ă©chelle. 98 Sur la Terreur comme rĂ©alitĂ© construite a posteriori par les thermidoriens voir Michel Biard et Mar ... 99 Il est ici possible de faire rĂ©fĂ©rence Ă  la cĂ©lĂšbre gravure thermidorienne, Les formes acerbes, gri ... 100 Les tribunaux militaires envoient les condamnĂ©s Ă  mort devant le peloton d’exĂ©cution. Cependant, da ... 46Ce faisant, l’assimilation de la guillotine Ă  la Terreur » Ă  partir de Thermidor trouve lĂ  une explication. En effet, l’existence d’une gĂȘne autour de la machine Ă  dĂ©capiter avant le 9 Thermidor, renforcĂ©e par une augmentation du nombre de dĂ©capitations, permet de comprendre la facilitĂ© avec laquelle la guillotine, dans le discours thermidorien, est devenue le symbole de la Terreur » et de la tyrannie sanglante de Robespierre98. Si les accusations de buveurs de sang » ou de tigre altĂ©rĂ© de sang » existent avant Thermidor et sont employĂ©es par les montagnards eux-mĂȘmes, elles demeurent, Ă  partir de cette date, durablement assimilĂ©es aux terroristes99. Peut-ĂȘtre la dimension sanglante d’une dĂ©capitation devenue modalitĂ© d’exĂ©cution des criminels condamnĂ©s par une juridiction non-militaire100 a-t-elle facilitĂ© et participĂ© de l’association durable entre les buveurs de sang » et ceux que la rĂ©action thermidorienne Ă©difie en terroristes ? Conclusion 47Étudier la guillotine constitue un prisme pour aborder les mentalitĂ©s humanistes des lĂ©gislateurs de 1791, mais aussi pour souligner l’embarras, la gĂȘne, en somme la sensibilitĂ©, notamment Ă  l’échelle locale, qui existent face Ă  une peine de mort sanglante et qui dĂ©roge aux idĂ©aux qui avaient prĂ©sidĂ© Ă  sa crĂ©ation ; embarras et gĂȘne qui apparaissent de façon saillante lors des ratĂ©s des exĂ©cutions. La guillotine permet donc d’interroger certaines de nos idĂ©es reçues, d’en dĂ©construire quelques aspects, celui de sa perfection, pour faire Ă©merger une esquisse de tableau des mentalitĂ©s rĂ©volutionnaires. La guillotine est, dĂšs avant Thermidor, l’objet de craintes et de peurs qui s’enracinent dans son caractĂšre imparfait et dans l’augmentation du nombre des exĂ©cutions qui, de façon concrĂšte, accroit sa visibilitĂ©, provoquant chez certains un rejet de la machine, sans que cela ne soit contradictoire avec sa force symbolique positive et son inscription dans l’horizon mental rĂ©volutionnaire. Si la guillotine toulousaine semble ĂȘtre nĂ©gativement apprĂ©hendĂ©e, celle parisienne apparait, elle, plus nuancĂ©e, entre symbole de la RĂ©volution et objet de dĂ©goĂ»t. Cela permet de comprendre que son rejet thermidorien et son assimilation Ă  la tyrannie de Robespierre » aient pu aussi bien fonctionner. 48La force symbolique de la guillotine comme son importance dans les mentalitĂ©s avaient dĂ©jĂ  Ă©tĂ© notĂ©es, briĂšvement, par Michel Vovelle, en 1989, Ă  qui cet article entend rendre hommage. Concluons donc avec lui 101 Michel Vovelle, L’instrument de la Terreur » dans ValĂ©rie Rousseau-Lagarde et Daniel Arasse, La g ... Égide de la RĂ©publique qui, pour faire front, doit terroriser ses ennemis, instrument de la passion et mort du fils de Saint-Louis ou symbole infamant de la tyrannie de Robespierre » propre Ă  dĂ©considĂ©rer Ă  travers les siĂšcles le souvenir de la RĂ©volution de l’An II, on comprend que la guillotine, chargĂ©e de ces connecteurs contradictoires, ait Ă©chappĂ© Ă  l’intention initiale de ses promoteurs d’en faire le supplice indolore des temps nouveaux [
]. Elle a concentrĂ©, dans le temps court d’une RĂ©volution, une charge Ă©motive qui en a fait durablement, Ă  travers les avatars du xixe siĂšcle, l’un des symboles les plus redoutables des nouveaux visages de la mort, Ă  l’aube de notre temps101. Haut de page Notes 1 JournĂ©e d’études MĂ©moire et hĂ©ritages de Michel Vovelle, qu’en disent les doctorants en 2019 ? », organisĂ©e par l’IHRF-IHMC et la SociĂ©tĂ© des Études Robespierristes, Paris, UniversitĂ© Paris 1 PanthĂ©on-Sorbonne, 16 novembre 2019. Cette journĂ©e fait suite Ă  une premiĂšre journĂ©e Hommages Ă  Michel Vovelle » organisĂ©e Ă  Toulouse, le 29 mars 2019. 2 Michel Vovelle, La MentalitĂ© rĂ©volutionnaire. SociĂ©tĂ© et mentalitĂ©s sous la RĂ©volution française, Paris, Éd. sociales, 1985. 3 Lucien Febvre, Comment reconstituer la vie mentale d’autrefois ? », dans Combats pour l’histoire, Paris, Armand Colin, 1992 1941 ; Marc Bloch, Les Rois thaumaturges, Paris, Gallimard, 1983 1924. 4 Martine Charageat et Mathieu Soula, Le corps comme lieu pĂ©nal », dans Martine Charageat, Mathieu Soula et Bernard RibĂ©mont dir., Corps en peines. Manipulations et usages des corps dans la pratique pĂ©nale depuis le Moyen Âge, Paris, Classiques Garnier, 2019, p. 12. 5 Michel Vovelle, Mourir autrefois, Paris, Gallimard, 1974 ; Id., La Mort et l’Occident de 1300 Ă  nos jours, Paris, Gallimard, 1983 ; Michel Vovelle et RĂ©gis Bertrand dir., La Ville des morts, essai sur l’imaginaire collectif urbain d’aprĂšs les cimetiĂšres provençaux, 1800-1980, Marseille, Éditions du CNRS, 1983. 6 Daniel Arasse, La guillotine et l’imaginaire de la Terreur, Paris, Flammarion, 1987 ; Anne Carol, Physiologie de la Veuve. Une histoire mĂ©dicale de la guillotine, Seyssel, Champ Vallon, 2012 ; Id., Devant l’échafaud du spectacle de la douleur au théùtre pĂ©dagogique », dans Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine et Georges Vigarello dir., Histoire des Ă©motions, vol. 2. Des LumiĂšres Ă  la fin du xixe siĂšcle, Paris, Seuil, 2016, p. 145-168 ; Regina Janes, Beheadings », Representations, no 35, University of California Press, 1994, p. 21-51 ; ValĂ©rie Rousseau-Lagarde et Daniel Arasse, La guillotine dans la RĂ©volution. Catalogue de l’exposition du musĂ©e du chĂąteau de Vizille, Vizille, 1987 ; Michel Vovelle, La guillotine symbole », Le Monde, 17 avril 1987, p. 14. 7 Art. 1er des DĂ©crets des 27, 28 et 29 germinal an II concernant la rĂ©pression des conspirateurs, l’éloignement des ex-nobles, des Ă©trangers, et la police gĂ©nĂ©rale de la RĂ©publique », dans Collection gĂ©nĂ©rale des dĂ©crets rendus par l’AssemblĂ©e nationale, Paris, Baudouin, germinal an II. 8 Soulignons, Ă  ce propos, qu’Anne Carol, dans Physiologie de la Veuve
, op. cit., fait le choix de prendre plusieurs exemples locaux Bordeaux, Lyon, le Var qui proposent une vision plus large des rĂ©alitĂ©s de la guillotine en province. 9 Jacques Revel dir., Jeux d’échelles. La micro-analyse Ă  l’expĂ©rience, Paris, Gallimard et Le Seuil, 1996. 10 Archives parlementaires, t. 9, p. 393, disponible sur le portail PersĂ©e Ă  l’adresse 11 Anne Simonin, La rĂ©volution par l’exemple l’abolition du prĂ©jugĂ© des peines infamantes », dans Chantal Aboucaya et RenĂ©e Martinage dir., Le Code pĂ©nal. Les mĂ©tamorphoses d’un modĂšle 1810-2010, Lille, Centre d’Histoire Judiciaire, 2012, p. 291-311. 12 Comme Pierre-François Muyart de Mouglans, auteur du MĂ©moire sur les peines infamantes. À son propos, voir Anne Simonin, La rĂ©volution par l’exemple
 », art. citĂ©, p. 291. 13 Ibid., p. 293. 14 DĂ©cret du 21 janvier 1790 sur la punition des coupables, & sur les suites de cette punition », dans Collection gĂ©nĂ©rale des dĂ©crets rendus par l’AssemblĂ©e nationale, Paris, Baudouin, 1790. 15 Loi. Code PĂ©nal, Paris, imp. de Prault, 1791, p. 2. 16 Ibid., p. 1 17 Anne Carol, Devant l’échafaud
 », art. citĂ©, p. 146. 18 Guillaume Mazeau, Émotions politiques la RĂ©volution française », dans Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine et Georges Vigarello dir., Histoire des Ă©motions
, op. cit., p. 100. 19 Cesare Beccaria, Des dĂ©lits et des peines, Philadelphie, 1766 1764, p. 60. 20 Diane Bernard et Damien Scalia, Retour Ă  la proportion selon Beccaria dans le droit pĂ©nal international », dans Michel Porret et Élisabeth Salvi dir., Cesare Beccaria la controverse pĂ©nale xviiie-xxie siĂšcle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, p. 313. 21 NĂ© en Clermont-Ferrand le 30 novembre 1625, Jean Domat est l’un des jurisconsultes français majeurs du xviie siĂšcle. Appartenant au mouvement rationaliste, c’est-Ă -dire posant la raison comme devant ĂȘtre le seul moteur des actions humaines, Domat tente d’en appliquer les principes pour rĂ©former le droit en l’harmonisant et en l’organisant. JansĂ©niste et proche de Pascal, il s’intĂ©resse tout particuliĂšrement Ă  l’importance de la jurisprudence. Sa volontĂ© de codifier les lois existantes du royaume trouve un aboutissement dans son ouvrage Les lois civiles dans leur ordre naturel, paru en 1689. Il dĂ©cĂšde le 14 mars 1696. 22 Yves Cartuvyels, D’oĂč vient le code pĂ©nal ? Une approche gĂ©nĂ©alogique des premiers codes pĂ©naux absolutistes au xviiie siĂšcle, MontrĂ©al, les Presses de l’UniversitĂ© de MontrĂ©al, 1996, p. 93. PrĂ©cisons que Jean Domat exclut les Juifs de cette Ă©galitĂ©. 23 À ceci prĂšs que les Parlements, en 1788, refusent d’enregistrer la rĂ©forme comportant l’abolition de la question prĂ©alable. Cette derniĂšre sera abolie dans l’article 34 du dĂ©cret des 8 et 9 octobre 1789. Voir, Ă  ce propos, SĂ©rie des Articles sur la procĂ©dure criminelle », dans Collection gĂ©nĂ©rale des lois et dĂ©crets rendus par l’AssemblĂ©e nationale, Paris, Baudouin, 1789. 24 Le long drop, pendaison qui entraine une mort immĂ©diate par arrachement des vertĂšbres, n’est mis au point qu’au xixe siĂšcle, en Grande-Bretagne. 25 Rapport de Charles-Henri Sanson au ministre de la justice sur le mode de dĂ©capitation » citĂ© in extenso dans Louis-François Du Bois, Recherches historiques et physiologiques sur la guillotine et dĂ©tails sur Sanson, Paris, France, 1843, p. 31-32. 26 Ibid., p. 31 27 DĂ©cret du 20 mars 1792 qui fixe le mode de la dĂ©collation des condamnĂ©s Ă  mort », dans Collection gĂ©nĂ©rale des dĂ©crets rendus par l’AssemblĂ©e nationale, Paris, Baudouin, 1792. 28 Ibid. 29 Ibid. 30 Le National Museum of Scotland en conserve un exemplaire 31 DĂ©cret du 20 mars 1792 qui fixe le mode de la dĂ©collation des condamnĂ©s Ă  mort », dans Collection gĂ©nĂ©rale
, op. cit. 32 Antoine de Baecque, Les ridicules de l’homme nouveau. Un groupe de satiristes sous la RĂ©volution », Mots. Les langages du politique, no 48, 1996, p. 20. 33 Les Actes des ApĂŽtres, no 10, Paris, 1789, p. 13-14. 34 Ibid., p. 15-16. 35 Regina Janes, Beheadings », art. citĂ©, p. 21. La citation originale, en anglais, est the technological perfection of impersonal violence ». 36 DĂ©cret du 10 mars 1793 portant Ă©tablissement d’un tribunal criminel extraordinaire pour juger les conspirateurs », dans Collection gĂ©nĂ©rale des dĂ©crets rendus par l’AssemblĂ©e nationale, Paris, Baudouin, 1793. 37 Michel Biard, Missionnaires de la RĂ©publique les reprĂ©sentants du peuple en mission, 1793-1795, Paris, CTHS, 2002. 38 Ibid., p. 71 39 Sur la difficultĂ© de distinguer les diffĂ©rents groupes rĂ©volutionnaires, voir, entre autres, Michel Biard et Marisa Linton, Terreur ! La RĂ©volution française face Ă  ses dĂ©mons, Paris, Armand Colin, 2020, p. 117-121. Cette difficultĂ© se retrouve Ă  l’échelle locale car, du fait de la distance, les membres de la SociĂ©tĂ© populaire n’ont pas toujours une vision claire des rapports de forces Ă  l’Ɠuvre Ă  Paris. S’il est indĂ©niable que la SociĂ©tĂ© populaire de Toulouse constitue l’un des rouages majeurs de la RĂ©volution Ă  Toulouse et qu’elle est composĂ©e de militants proches des idĂ©es des Jacobins sur certains sujets, elle n’en demeure pas moins elle-mĂȘme divisĂ©es sur d’autres. Aussi, il est difficile de la considĂ©rer comme a priori absolument jacobine ». 40 S’il y a accord, en novembre 1793, sur la possibilitĂ© pour le tribunal criminel d’adopter une procĂ©dure extraordinaire, cela ne doit pas masquer l’existence de tensions entre la SociĂ©tĂ© populaire et les reprĂ©sentants en mission, particuliĂšrement en 1794 avec Pierre-Arnaud Dartigoeyte, quand celui-ci, le 17 aoĂ»t 1794, met en Ă©tat d’arrestation quatre membres de la SociĂ©tĂ© populaire. Cette derniĂšre, le 7 septembre 1794 dĂ©fend publiquement ses membres arrĂȘtĂ©s et accuse Dartigoeyte. Voir, Ă  ce propos, Archives dĂ©partementales AD par la suite de Haute-Garonne, L 4554+, sĂ©ance du 21 fructidor an II 7 septembre 1794. 41 Pierre Paganel 1745-1826 est dĂ©putĂ© du Lot-et-Garonne Ă  la Convention nationale. 42 Joseph Cassanyes 1758-1843 est dĂ©putĂ© des PyrĂ©nĂ©es-Orientales Ă  la Convention nationale. 43 AD de Haute-Garonne, 1 L 1042, piĂšce 69, fo 1. 44 Michel Biard et Marisa Linton, Terreur !..., op. cit., p. 99. 45 DĂ©cret du 17 septembre 1793 qui ordonne l’arrestation des personnes suspectes », dans Collection gĂ©nĂ©rale des lois et dĂ©crets rendus par l’AssemblĂ©e nationale, Paris, Baudouin, 1793. 46 Les prisons toulousaines comptent prĂšs d’un millier de suspects au plus fort de la rĂ©pression. Voir, Ă  ce propos, Jacques Godechot, La RĂ©volution française dans le Midi toulousain, Toulouse, Privat, 1986, p. 189. 47 Ainsi, le 20 vendĂ©miaire an II 11 octobre 1793, le tribunal criminel envoie L. Denis Ă  la guillotine pour suspicion d’empoisonnement et de complicitĂ© avec les Espagnols. Ce boulanger a en effet Ă©tĂ© accusĂ© d’avoir sciemment fabriquĂ© du mauvais pain. Quoiqu’étrange, cette accusation fait sens dans un contexte oĂč la crainte d’un siĂšge et de la pĂ©nurie de nourriture rendent les autoritĂ©s plus sensibles qu’à l’ordinaire aux questions alimentaires, liĂ©es ici Ă  une possible trahison au profit des Espagnols. 48 Philippe Nelidoff, La municipalitĂ© de Toulouse pendant la RĂ©volution française 1789-1795, thĂšse de droit sous la direction de Germain Sicard, Toulouse, UniversitĂ© Toulouse-I Capitole, 1990, p. 517. 49 Le 3 mars 1794, Jean-Joseph Virebent, puis, le 20 avril 1794, Garnault, tous deux membres de la municipalitĂ© de Toulouse, sont condamnĂ©s Ă  mort et exĂ©cutĂ©s Ă  Toulouse. Voir, Ă  ce propos, AD de Haute-Garonne, 1 J 601, piĂšces 1 et 2, et 8 L 204 U 88. 50 Le 29 juin 1794, Marc Derrery, DelbĂšze, Loubet, Douziech, commandant de la garde nationale, Ruffat, Guillaume Toussaint-SĂ©vĂšne et Blaise Dariot, dĂ©putĂ© supplĂ©ant de la Haute-Garonne, tous accusĂ©s de fĂ©dĂ©ralisme et liĂ©s Ă  la municipalitĂ©, sont condamnĂ©s et exĂ©cutĂ©s Ă  Paris. Voir, Ă  ce propos, Philippe Nelidoff, La municipalitĂ© de Toulouse
, op. cit., p. 517. 51 ValĂ©rie Sottocasa, MĂ©moires affrontĂ©es. Protestants et catholiques face Ă  la RĂ©volution dans les montagnes du Languedoc, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004 ; et Claude Petit, Le recrutement de 300 000 hommes en Aveyron fĂ©vrier-mars 1793 », dans Guerre et paix en Rouergue, XIe-xixe siĂšcles. Actes du colloque de Millau octobre 1997, Millau, SociĂ©tĂ© des lettres, sciences et arts de l’Aveyron, 1994. 52 Ce soutien, par exemple dans le Gers et une partie du Tarn, se borne au fait de cacher les prĂȘtres rĂ©fractaires. En Aveyron comme en LozĂšre, en revanche, ce soutien entraine une rĂ©sistance forte de la part des populations, qui se renforce Ă  l’occasion de la levĂ©e de 1793, pour donner naissance Ă  des insurrections armĂ©es. Ces deux dĂ©partements sont marquĂ©s par une rĂ©surgence des conflits confessionnels entre catholiques et protestants au prisme de l’engagement rĂ©volutionnaire. Voir, Ă  ce propos, ValĂ©rie Sottocasa, MĂ©moires affrontĂ©es
, op. cit. 53 Les mois de pluviĂŽse, ventĂŽse et germinal an II de janvier Ă  avril 1794 sont ainsi les plus meurtriers, avec vingt-cinq condamnations et exĂ©cutions – chiffre faible au regard de la rĂ©pression qui se dĂ©ploie Ă  Paris, Lyon, Bordeaux ou dans l’Ouest, mais qui demeure Ă©levĂ©e Ă  l’échelle toulousaine –, avant une baisse drastique du nombre de condamnations Ă  mort dans les premiĂšres dĂ©cades de florĂ©al trois exĂ©cutions. 54 DĂ©cret du 19 florĂ©al an II 8 mai 1794 qui rĂšgle la compĂ©tence du tribunal rĂ©volutionnaire de Paris et des tribunaux criminels de la RĂ©publique », dans Collection gĂ©nĂ©rale des lois et dĂ©crets rendus par l’AssemblĂ©e nationale, Paris, Baudouin, 1794. 55 Ibid. 56 Germain Sicard, Le procĂšs des parlementaires toulousains devant le tribunal rĂ©volutionnaire », dans Jean PoumarĂšde et Jack Thomas dir., Les Parlements de Province, colloque international de Toulouse du 3 au 5 novembre 1994, Toulouse, Framespa, 1996, p. 580. 57 Pierre-Arnaud Dartigoeyte 1763-1812 est dĂ©putĂ© des Landes Ă  la Convention nationale entre 1792 et 1795. Entre aoĂ»t 1793 et septembre 1794, il est envoyĂ© en tant que reprĂ©sentant en mission dans le dĂ©partement du Gers et de la Haute-Garonne. 58 AD de Haute-Garonne, 7 L 202 U 175. 59 Il s’agit de l’actuelle place du Capitole. La guillotine Ă©tait alors situĂ©e en face du Capitole, au nord-ouest de la place, entre les actuels deuxiĂšme et troisiĂšme bancs. 60 AD de Haute-Garonne, 1 J 601, piĂšces 1 et 2 ; 8 L 204 U 88, piĂšces 1 Ă  15. 61 Il s’agit d’Antoinette-Adrienne de Rabaudy, exĂ©cutĂ©e le 2 mars 1794. Voir, Ă  son propos, Guillaume Debat, Antoinette-Adrienne de Rabaudy », dans Dictionnaire des Femmes de l’ancienne France [En ligne], SociĂ©tĂ© Internationale pour l’Étude des Femmes de l’Ancien RĂ©gime, 2020 62 Michel Biard et Marisa Linton, Terreur !..., op. cit., p. 111 ; et Antoine Boulant, Le Tribunal rĂ©volutionnaire. Punir les ennemis du peuple, Paris, Perrin, 2018. Dans le cas lyonnais, les deux commissions, dites commission militaire et commission de justice populaire, qui prĂ©cĂšdent la commission rĂ©volutionnaire, ont des taux d’acquittement plus faibles. 63 Michel Biard et Marisa Linton, Terreur !..., op. cit., p. 111. 64 Axel Duboul, Le tribunal rĂ©volutionnaire de Toulouse, 25 NivĂŽse-3 FlorĂ©al An II, 14 janvier-22 avril 1794, Toulouse, Privat, 1894, p. 87. 65 AD de Haute-Garonne, 8 L 204 U 7, piĂšces 2, f° 1 et 2. 66 AD de Haute-Garonne, 8 L 204 U 7, piĂšce 2, f° 4. 67 Ibid. 68 AD de Haute-Garonne, 8 L 204 U 7, piĂšce 5, f° 1. 69 AD de Haute-Garonne, 8 L 204 U 7, piĂšce 14, f° 1 et 2. 70 AD Haute-Garonne, 8 L 204 U 7, piĂšce 14, f°1 et 2. 71 Axel Duboul, Le tribunal rĂ©volutionnaire de Toulouse
, op. cit., p. 89 72 Ibid., p. 90. 73 Ibid., p. 92. 74 Ibid., p. 91. 75 Ibid., p. 91. 76 CitĂ©e par Axel Duboul en appendice no 3 du Tribunal rĂ©volutionnaire de Toulouse
, op. cit., p. 157. 77 AD de Haute-Garonne, 1 J 601, piĂšce 2. 78 Voir, Ă  ce propos, entre autres rĂ©fĂ©rences, Gustave Le Bon, Psychologie des foules, Paris, Presses universitaires de France, 1995 1895 et, plus rĂ©cemment, Olivier Bosc, La foule criminelle. Politique et criminalitĂ© dans l’Europe du tournant du xixe siĂšcle, Paris, Fayard, 2007. 79 Pascal Bastien, L’exĂ©cution publique Ă  Paris au xviiie siĂšcle. Une histoire des rituels judiciaires, Seyssel, Champ Vallon, 2006 ; Id., Une Histoire de la peine de mort. Bourreaux et supplices Paris, Londres, 1500-1800, Paris, Seuil, 2011 ; HĂ©lĂšne Menard, Maintenir l’ordre Ă  Rome iie-ive siĂšcles ap. Seyssel, Champ Vallon, 2004, p. 127. 80 Anne Carol, Physiologie de la Veuve
, op. cit., p. 57 81 Ibid. ; et AurĂ©lien Vivie, Histoire de la Terreur Ă  Bordeaux, Bordeaux, FĂ©ret et fils, 1877, p. 252. 82 BibliothĂšque municipale de Toulouse, P 14226, L’Anti-Terroriste du 30 avril 1796, supplĂ©ment, p. 2. 83 Anne Carol, Physiologie de la Veuve
, op. cit., p. 56. 84 Rapport sur la machine Ă  dĂ©capiter, Guiraud, 5 juin 1792 » dans Revue rĂ©trospective, Paris, Taschereau, 1835, p. 22-23. 85 Regina Janes, Beheadings », art. citĂ©, p. 21. 86 La derniĂšre dĂ©capitation exĂ©cution publique est celle d’EugĂšne Weidmann, exĂ©cutĂ© le 17 juin 1939, Ă  Versailles, pour meurtre. 87 C’est notamment le cas de Daniel Arasse dans La guillotine et l’imaginaire de la Terreur, Paris, Flammarion, 1987. Cet ouvrage demeure nĂ©anmoins l’une des rĂ©fĂ©rences incontournables sur cette question. 88 Rapport du 28 ventĂŽse an II 18 mars 1794 de Pourvoyeur » dans Pierre CARON, Paris pendant la Terreur. Rapports des agents secrets du ministĂšre de l’IntĂ©rieur, Paris, Librairie C. Klincksieck, 1959, p. 399. 89 Paire de boucles d’oreilles Ă  pendeloque composĂ©e d’un bonnet phrygien Ă  cocarde et d’une guillotine Ă  laquelle est accrochĂ©e une tĂȘte couronnĂ©e, or et mĂ©tal dorĂ©, MusĂ©e Carnavalet, Paris, rĂ©serves. 90 Rapport du 26 ventĂŽse an II 16 mars 1794 de Bacon » dans Pierre Caron, Paris pendant la Terreur
, op. cit., p. 336. 91 AD de l’Aveyron, 1 L 1095. Les archives de l’Aveyron conservent en effet un compte d’ouvrage Ă©tabli par des charpentiers de Rodez quant au montage de la guillotine en 1792. Ce compte d’ouvrage atteste d’une somme allouĂ©e Ă  une peinture rouge destinĂ©e Ă  recouvrir les montants de la guillotine. 92 Moniteur du 4 pluviĂŽse an II, p. 499. 93 Le liquide cĂ©phalo-rachidien est Ă©galement expulsĂ© sous la forme d’un jet blanc, plus court et plus bref, lors de la coupe de la tĂȘte. 94 Michel Biard et Marisa Linton, Terreur !..., op. cit., p. 154. 95 Guillaume Mazeau, Émotions politiques
 », art. citĂ©, p. 139. 96 Jean-ClĂ©ment Martin, Les Ă©chos de la Terreur. VĂ©ritĂ©s d’un mensonge d’État. 1794-2001, Paris, Belin, 2018, p. 88. 97 Voir supra. Moniteur du 4 pluviĂŽse an II, p. 499. 98 Sur la Terreur comme rĂ©alitĂ© construite a posteriori par les thermidoriens voir Michel Biard et Marisa Linton, Terreur !..., op. cit., p. 13-30 ; et Jean-ClĂ©ment Martin, Les Ă©chos de la Terreur
, op. cit. 99 Il est ici possible de faire rĂ©fĂ©rence Ă  la cĂ©lĂšbre gravure thermidorienne, Les formes acerbes, grimant le reprĂ©sentant Le Bon lors de sa mission dans le Nord en monstre buvant, installĂ© sur un de monceau de corps guillotinĂ©s et entourĂ© de tigres, un sang fumant fourni par deux guillotines. La gravure est consultable sur le site de la BnF Pour une analyse de l’image, voir Michel Biard et Marisa Linton, Terreur !..., op. cit., p. 187. 100 Les tribunaux militaires envoient les condamnĂ©s Ă  mort devant le peloton d’exĂ©cution. Cependant, dans plusieurs cas, les commissions militaires utilisent Ă©galement la guillotine. C’est le cas notamment Ă  Lyon mais aussi dans l’Ouest. 101 Michel Vovelle, L’instrument de la Terreur » dans ValĂ©rie Rousseau-Lagarde et Daniel Arasse, La guillotine dans la RĂ©volution
, op. cit., p. de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique Guillaume Debat, La guillotine, symbole rĂ©volutionnaire ambivalent – Toulouse, janvier 1794 », La RĂ©volution française [En ligne], 18 2020, mis en ligne le 06 juillet 2020, consultĂ© le 23 aoĂ»t 2022. URL ; DOI de page Pourquoi la guillotine est-elle abominable ? Et de quoi au juste a-t-on horreur ? Pour rĂ©pondre, Daniel Arasse interroge cette peur Ă  sa source, au... Lire la suite 14,70 € Neuf Poche ExpĂ©diĂ© sous 3 Ă  6 jours 11,00 € Grand format Actuellement indisponible 14,70 € Actuellement indisponible Pourquoi la guillotine est-elle abominable ? Et de quoi au juste a-t-on horreur ? Pour rĂ©pondre, Daniel Arasse interroge cette peur Ă  sa source, au moment oĂč, Ă  peine nĂ©e, la machine est plantĂ©e au coeur d'une exploitation spectaculaire de ses pouvoirs d'Ă©pouvante la Terreur. Les surprises se multiplient au fur et Ă  mesure de l'enquĂȘte Guillotin n'est pas pour grand-chose dans l'invention de la guillotine ; Ă  l'exception de la France, l'Europe l'utilisait, presque identique, bien avant la RĂ©volution ; la tĂȘte coupĂ©e semble vivre encore, dĂ©fiant vĂ©ritablement la mĂ©decine... Machine politique, la guillotine fonde la dĂ©mocratie " Tout condamnĂ© Ă  mort aura la tĂȘte tranchĂ©e. " De la mĂ©decine Ă  la politique et Ă  la mĂ©taphysique, la machine Ă  dĂ©capiter se rĂ©vĂšle Ă  la fois un " objet de civilisation " et une image de la RĂ©volution dans sa phase la plus radicale, en exhibant aux yeux du peuple, dans un fascinant théùtre macabre, l'Ă©galitarisme le plus absolu. Ce livre ne cherche pas Ă  rĂ©habiliter la guillotine jacobine, il s'agit plutĂŽt de briser le silence qui entoure l'emploi rĂ©volutionnaire de cette " simple mĂ©canique " Ă  " faire voler les tĂȘtes ", pour mettre au jour, dans leur origine conjointe, la rĂ©pulsion qu'inspire la machine et la rĂ©putation qu'elle s'est gagnĂ©e son abject prestige. Date de parution 01/12/1987 Editeur Collection ISBN 2-08-211530-5 EAN 9782082115308 Format Grand Format PrĂ©sentation BrochĂ© Nb. de pages 224 pages Poids Kg Dimensions 13,5 cm × 22,0 cm × 1,5 cm Pourquoi la guillotine est-elle abominable ? Et de quoi au juste a-t-on horreur ? Pour rĂ©pondre, Daniel Arasse interroge cette peur Ă  sa source, au moment oĂč, Ă  peine nĂ©e, la machine est plantĂ©e au coeur d'une exploitation spectaculaire de ses pouvoirs d'Ă©pouvante la Terreur. Les surprises se multiplient au fur et Ă  mesure de l'enquĂȘte Guillotin n'est pas pour grand-chose dans l'invention de la guillotine ; Ă  l'exception de la France, l'Europe l'utilisait, presque identique, bien avant la RĂ©volution ; la tĂȘte coupĂ©e semble vivre encore, dĂ©fiant vĂ©ritablement la mĂ©decine... Machine politique, la guillotine fonde la dĂ©mocratie "Tout condamnĂ© Ă  mort aura la tĂȘte tranchĂ©e". De la mĂ©decine Ă  la politique et Ă  la mĂ©taphysique, la machine Ă  dĂ©capiter se rĂ©vĂšle Ă  la fois un "objet de civilisation" et une image de la RĂ©volution dans sa phase la plus radicale, en exhibant aux yeux du peuple, dans un fascinant théùtre macabre, l'Ă©galitarisme le plus absolu. Ce livre ne cherche pas Ă  rĂ©habiliter la guillotine jacobine, il s'agit plutĂŽt de briser le silence qui entoure l'emploi rĂ©volutionnaire de cette "simple mĂ©canique" Ă  "faire voler les tĂȘtes" , pour mettre au jour, dans leur origine conjointe, la rĂ©pulsion qu'inspire la machine et la rĂ©putation qu'elle s'est gagnĂ©e son abject prestige. Bienvenue sur DygestDygest vous propose des rĂ©sumĂ©s selectionnĂ©s et vulgarisĂ©s par la communautĂ© le rĂ©sumĂ© de l'un d'entre rĂ©digĂ©e parLucia PopaDoctorante en sociologie de l’art EHESS.SynopsisHistoireDaniel Arasse se propose de dĂ©construire les prĂ©jugĂ©s tissĂ©s autour d’un sujet inouĂŻ la mise Ă  mort pendant l’ùre de la Terreur en France. Sans vouloir rĂ©habiliter la guillotine jacobine, il se donne pour tĂąche de comprendre la rĂ©putation et la rĂ©pulsion qui entourent ce dispositif technique et politique son abject prestige ». Instrument terrifiant pour les contemporains, la machine Ă  dĂ©capiter a Ă©tĂ© en fait conçue par un mĂ©decin français pour des raisons humanitaires » abrĂ©ger les souffrances des condamnĂ©s Ă  mort et rendre la peine moins humiliante. Pour l’auteur, la guillotine devient un prĂ©texte d’histoire des mentalitĂ©s et il s’intĂ©resse Ă©galement aux reprĂ©sentations artistiques de ce dispositif. 1. IntroductionComment expliquer la fascination et la terreur qu’inspire depuis plusieurs siĂšcles la machine Ă  dĂ©capiter ? Innovation troublante, elle a transformĂ© les reprĂ©sentations de la mort construites pendant l’Ancien RĂ©gime et jusqu’à sa construction effective. Avant que cette machine rĂ©volutionnaire ne soit inventĂ©e et imposĂ©e en place par un certain Guillotin, la peine de mort Ă©tait insĂ©parable d’une souffrance prolongĂ©e et dĂ©gradante. Fille des LumiĂšres, la guillotine banalise la mort douce » c’est ainsi que l’on appelait la dĂ©capitation, privilĂšge » rĂ©servĂ© avant la RĂ©volution française aux condamnĂ©s de haute extraction. Comment est-ce que cette mort douce » est parvenue Ă  se dĂ©mocratiser ? Et comment a-t-elle transformĂ© le théùtre macabre organisĂ© autour l’échafaud et les rĂŽles de ses principaux acteurs ? 2. Avec ma machine, je vous fais sauter la tĂȘte en un clin d’Ɠil » Selon Arasse, a posteriori, la trajectoire et la carriĂšre mĂ©dicale et sociale de Joseph-Ignace Guillotin s’exprime parfaitement dans une proposition formulĂ©e Ă  la fin de l’annĂ©e 1789 par laquelle il lĂ©guera, malgrĂ© lui, son nom Ă  l’Histoire ». Membre de la Compagnie de JĂ©sus depuis 1756, Guillotin a quittĂ© les pĂšres en 1763 pour Ă©tudier la mĂ©decine et, en 1770, il est nommĂ© docteur Ă  Paris. En 1788, alors ĂągĂ© de cinquante ans, c’était dĂ©jĂ  un personnage important de la capitale, statut qui lui permet de proposer au roi un document intitulĂ© PĂ©tition des citoyens domiciliĂ©s Ă  Paris », dans lequel il rĂ©clame le droit du tiers Ă©tat d’avoir un nombre de dĂ©putĂ©s au moins Ă©gal Ă  celui des deux autres ordres le clergĂ© et la noblesse. À la suite de cette pĂ©tition, il est nommĂ© l’annĂ©e suivante dĂ©putĂ© du tiers Ă©tat, ci qui lui donne l’occasion de prononcer un discours par lequel il recommande Ă  l’AssemblĂ©e constituante de rĂ©former le systĂšme pĂ©nal de l’Ancien RĂ©gime. Ce discours du 10 octobre 1789 inclut notamment un projet de loi en six articles qui soutenait la suppression des discriminations liĂ©es au rang et Ă  l’état du coupable » au sujet de la peine de mort. Guillotin proposait Ă©galement l’utilisation d’un seul supplice, quelle que soit la nature du dĂ©lit dont l’accusĂ© sera rendu coupable et dans tous les cas oĂč la loi prononcera la peine de mort le criminel sera dĂ©capitĂ© par l’effet d’une simple mĂ©canique ». Selon Arasse, avec ce projet de loi, il souhaite l’humanisation philosophique » de la justice, mĂȘme s’il ne va pas jusqu’à l’abolition de la peine de mort. Cette idĂ©e a Ă©tĂ© dĂ©fendue avec passion un peu plus tard, en 1791, par l’une des principales figures de la RĂ©volution française l’homme politique, Maximilien de Robespierre. Les propositions Ă©galitaires de Guillotin ont sĂ©duit les membres de l’AssemblĂ©e constituante et certaines phrases de ce fameux discours resteront associĂ©es pour toujours avec leur auteur, mĂȘme si elles peuvent paraĂźtre choquantes Ă  l’ùre contemporaine, telle celle-ci Avec ma machine, je vous fais sauter la tĂȘte en un clin d’Ɠil, et vous ne souffrez point ». Convaincus par les idĂ©es de Guillotin, les lĂ©gislateurs ont adoptĂ© ce principe en octobre 1791 et la machine Ă  dĂ©capiter a Ă©tĂ© de plus en plus souvent employĂ©e dans les annĂ©es suivantes, pour ne cesser qu’en 1977, date de la derniĂšre dĂ©capitation en France. La guillotine a Ă©tĂ© mise au point en 1792 par le docteur Antoine Louis, qui a proposĂ© l’ébauche technique d’une version plus efficace de la machine, munie d’une lame oblique. Les premiers noms de cet instrument faisaient allusion Ă  son concepteur louisette » ou louison », mais ils ont Ă©tĂ© rapidement remplacĂ©s par le nom qui perdure jusqu’à nos jours, la guillotine ». Cette initiative a gĂȘnĂ© Guillotin durant toute sa vie, car il se retrouvait associĂ© Ă  une image de la Terreur et Ă  un instrument de mise Ă  mort, alors que la raison de sa proposition soutenue devant l’AssemblĂ©e Ă©tait menĂ©e par des principes Un dispositif humanitaire »MĂȘme si Guillotin a prĂȘtĂ© involontairement son nom Ă  la machine Ă  dĂ©capiter, l’histoire de cet instrument associĂ© avec l’ùre de la Terreur en France a commencĂ© bien avant la RĂ©volution de 1789. En fait, cette machine de mise Ă  mort n’est mĂȘme pas une invention française, car son existence est attestĂ©e un peu partout en Europe plusieurs siĂšcles avant le projet de loi de Guillotin. Par contre, elle a Ă©tĂ© employĂ©e systĂ©matiquement, programmatiquement et sur une large Ă©chelle pour la premiĂšre fois en France, Ă  l’ùre de la Terreur. L’implication des mĂ©decins dans la conception de la guillotine suggĂšre la possibilitĂ© d’une mort douce, une volontĂ© de supprimer la vie des criminels avec prĂ©cision, sans souffrance, mĂȘme si la sociĂ©tĂ© française ne pouvait pas encore se dispenser de punir de mort certains accusĂ©s. Un tel projet humanitaire obtint du succĂšs parmi les lĂ©gislateurs parce que les LumiĂšres Ă©taient dĂ©jĂ  en train de reconsidĂ©rer les techniques anciennes de torture la perspective des corps dĂ©chirĂ©s, brĂ»lĂ©s, dĂ©membrĂ©s scrupuleusement et avec beaucoup de patience leur semblait de plus en plus inacceptable. Les instruments le plus souvent employĂ©s pour ces tortures terrifiantes devaient ĂȘtre remplacĂ©s par une machine capable de tuer rapidement et efficacement. À la souffrance physique Ă©pouvantable du supplice qui se prolongeait d’habitude pendant des heures ou des jours entiers s’ajoutait Ă©galement un fort cĂŽtĂ© humiliant. Par exemple, le gibet et la roue Ă©taient considĂ©rĂ©s comme des machines honteuses pour les victimes elles-mĂȘmes, mais aussi pour leurs familles, qui risquaient de voir leur rĂ©putation entachĂ©e sur plusieurs gĂ©nĂ©rations. La foule assistait patiemment et parfois sadiquement au spectacle sanglant de la longue agonie du criminel parce que, selon la philosophie de l’époque, la torture prolongĂ©e pouvait enlever les racines du pĂ©chĂ© et faire renaĂźtre spirituellement le condamnĂ©. Le supplice prolongĂ© offrirait la possibilitĂ© du salut Ă©ternel mourir en martyr augmentait sensiblement les chances d’une vie heureuse aprĂšs la mort du corps. Le rejet de la torture lente comportait aussi une deuxiĂšme signification dĂ©sormais les juristes ne pouvaient plus accepter ni la philosophie de la purification morale de l’individu par chĂątiment prolongĂ©, ni cette vision rudimentaire et barbare de la punition qui connectait Ă©trangement le lĂ©gislateur, le prĂȘtre, le roi, le bourreau et le criminel. Encore une fois, les projets des lĂ©gislateurs laissaient apercevoir l’influence de la philosophie des LumiĂšres, notamment le triomphe de la raison contre l’obscurantisme. 4. Le théùtre de la dĂ©capitationMalgrĂ© le mĂ©pris qui se rĂ©pandait rapidement parmi les lĂ©gislateurs Ă  l’égard des techniques barbares de torture justifiĂ©es partiellement par des superstitions religieuses, l’exĂ©cution du roi a rĂ©investi soudainement le supplice d’une aura de sacralitĂ©. En fait, selon Arasse, la RĂ©volution a fondĂ© sa lĂ©gitimitĂ© par le sang du roi Louis XVI, car juger et condamner Ă  mort un tyran avait quelque chose de solennel et de religieux. La dĂ©capitation du roi a fonctionnĂ© comme un spectacle baptismal » auquel faisait rĂ©fĂ©rence dĂ©sormais chaque nouvelle exĂ©cution publique. Ainsi, le scĂ©nario et les dĂ©cors de ce parricide collectif ont Ă©tĂ© remis en scĂšne symboliquement au cours de plusieurs siĂšcles. Sur l’échafaud, les gestes des bourreaux devaient se reproduire presque Ă  l’identique, faisant rĂ©fĂ©rence au rĂ©gicide plus ou moins subtilement. Par ailleurs, ces rituels comportaient aussi un deuxiĂšme sens le chĂątiment se mĂ©canisait jusqu’au point de garantir le caractĂšre immanquable de l’exĂ©cution, ce qui requĂ©rait Ă©galement un dispositif mĂ©canique capable de produire une mort instantanĂ©e. La mise en scĂšne de la mort se composait dĂ©sormais de deux moments, Ă  savoir l’avant et celui l’aprĂšs, car l’acte en lui-mĂȘme devenait presque invisible, grĂące Ă  la rapiditĂ© de la guillotine. Lorsque, en 1792, le docteur Antoine Louis, secrĂ©taire de l’AcadĂ©mie de chirurgie, a Ă©tĂ© sollicitĂ© par l’AssemblĂ©e pour donner son avis sur un procĂ©dĂ© qui pouvait assurer un mode de dĂ©collation » rapide et sĂ»r, il a admis que l’on ne pouvait plus faire confiance Ă  la dextĂ©ritĂ© du bourreau. À l’ùre de l’Ancien RĂ©gime, lorsque la dĂ©capitation se faisait Ă  l’épĂ©e ou Ă  la hache, le bourreau pouvait hĂ©siter au dernier moment ou ne pas frapper suffisamment fort, ce qui l’obligeait Ă  rĂ©pĂ©ter plusieurs fois le coup ou mĂȘme Ă  finir » le condamnĂ© au couteau. Avec ce changement de paradigme, l’élĂ©ment central du théùtre de la dĂ©capitation c’était dĂ©sormais la guillotine, censĂ©e faire preuve d’une rĂ©gularitĂ© mĂ©canique. Le bourreau devient un personnage moins important, relĂ©guĂ© dans l’ombre de la machine Ă  dĂ©capiter, dont il est le simple dĂ©clencheur. Progressivement, la perception de la sociĂ©tĂ© française Ă  l’égard du bourreau change aussi jadis considĂ©rĂ© comme un ĂȘtre rudimentaire, capable de faire usage d’une violence barbare, l’analyse de la correspondance privĂ©e de plusieurs citoyens français Ă  l’ùre de la Terreur met en lumiĂšre un profil moins terrifiant, qui ressemble de plus en plus Ă  celui d’un fonctionnaire quelconque. Par exemple, il arrive parfois qu’il soit dĂ©signĂ© le pauvre bourreau », parce qu’il a dĂ» se confronter Ă  beaucoup d’incidents imprĂ©vus le jour de l’exĂ©cution, tel une guillotine qui ne fonctionne pas bien, des condamnĂ©s qui n’obĂ©issent pas, des articles vestimentaires qui rendent la dĂ©capitation plus difficile des cols, des bonnets, etc. 5. La dĂ©mocratisation de l’exĂ©cution philanthropiqueAvant Arasse, Michel Foucault avait dĂ©jĂ  montrĂ© comment l’ancienne logique de la torture a Ă©tĂ© remplacĂ©e par une nouvelle conception de la peine capitale La souffrance physique, la douleur du corps lui-mĂȘme ne sont plus les Ă©lĂ©ments constituants de la peine. Le chĂątiment est passĂ© d’un art des sensations insupportables Ă  une Ă©conomie des droits suspendus » . Ainsi la pĂ©nalitĂ© devient presque incorporelle », car elle vise la privation des droits de la personne, plutĂŽt que la torture du corps. Dans ce changement de perspective, la guillotine est prĂ©sentĂ©e comme le plus doux des moyens mortifĂšres », selon l’expression des frĂšres Goncourt . La proposition de Guillotin a fait histoire notamment parce qu’elle a dĂ©clenchĂ© une nouvelle vision de la fin de vie sa machine Ă©tait aussi politique parce qu’elle pouvait assurer une forme d’égalitĂ© des citoyens devant la mort. DĂ©sormais, tout condamnĂ© Ă  mort aurait la tĂȘte coupĂ©e et ressentirait la souffrance la plus courte possible lors de cette peine, dĂ©mocratisation qui transforma la guillotine en un objet de culte par exemple, elle Ă©tait souvent dĂ©signĂ©e, Ă  l’ùre de la Terreur, la Sainte Guillotine ». Instrument d’égalisation sociale et d’humanisation du chĂątiment, elle bouleverse une longue histoire trĂšs discriminatoire au sujet de la mise Ă  mort. Pendant des siĂšcles, seulement certains privilĂ©giĂ©s, nĂ©s dans des familles prestigieuses ou aisĂ©es, pouvaient bĂ©nĂ©ficier d’une peine de mort douce. Ce n’est pas un hasard, - constate Arasse, si la guillotine a Ă©tĂ© utilisĂ©e sur une large Ă©chelle seulement Ă  partir de la RĂ©volution, car elle Ă©tait le signe d’un changement profond des mentalitĂ©s. Les idĂ©es qui ont menĂ© Ă  la crĂ©ation de la RĂ©publique et Ă  la dĂ©mocratisation progressive de la sociĂ©tĂ© française ont changĂ© Ă©galement la vision de la mort. Ce dispositif reste nĂ©anmoins trĂšs ambigu et protĂ©iforme du point de vue symbolique. Initialement conçue pour apaiser les derniers moments d’un condamnĂ©, la guillotine devient un outil politique, une machine Ă  gouverner, employĂ©e dans le but manifeste de forger une nouvelle conscience publique. Dans l’obsession de produire un certain type de sociĂ©tĂ© utopique, de plus en plus de citoyens sont dĂ©capitĂ©s publiquement, pour des raisons souvent insuffisamment articulĂ©es. Chaque personne guillotinĂ©e Ă©tait censĂ©e consolider les valeurs et la cohĂ©rence du peuple, imaginĂ© comme un organisme homogĂšne au sein duquel les Ă©lĂ©ments vicieux ou impurs devaient ĂȘtre Ă©liminĂ©s. Le rĂŽle de ce chĂątiment utilisĂ© compulsivement Ă  l’ùre de la Terreur commença Ă  ĂȘtre remis en question Ă  partir du moment oĂč la communautĂ© se sentit menacĂ©e par la propagation des maladies graves Ă  cause des flaques de sang de dimensions considĂ©rables qui entouraient en permanence les places d’exĂ©cution. 6. ConclusionL’analyse de l’introduction et des fonctions multiples de la guillotine devient un prĂ©texte pour brosser une radiographie de la sociĂ©tĂ© française, bouleversĂ©e par les changements produits aprĂšs la RĂ©volution. La machine Ă  dĂ©capitation forge une nouvelle vision de la mort, mais Ă©galement un nouveau projet communautaire, fortement idĂ©alisĂ©. Le peuple est dĂ©sormais souverain, mais pour qu’il soit fort il doit rejeter efficacement tous les Ă©lĂ©ments menaçants ou qui risqueraient de tĂącher la morale publique. Suivant cette logique, la peine de mort devait ĂȘtre rapide et dĂ©mocratique et avoir une prĂ©cision chirurgicale. Il n’était plus nĂ©cessaire de torturer le corps du condamnĂ©, il suffisait de priver l’individu de ses droits par un geste court et dĂ©finitif, philosophie qui rendait indispensable l’utilisation d’un instrument comme la guillotine. 7. Zone critiqueOuvrage captivant, grĂące Ă  son sujet inĂ©dit, La guillotine et l’imaginaire de la Terreur » ressemble sur certains points Ă  un livre de vulgarisation, qui survole avec lĂ©gĂšretĂ© et Ă©lĂ©gance plusieurs disciplines sans exercer pour autant une mĂ©thode scientifique trĂšs rigoureuse. La guillotine se transforme pour l’auteur en un objet de digression philosophique, mais l’argumentation avance parfois sur des pistes d’analyse prometteuses pour se perdre ensuite dans une Ă©vocation d’anecdotes sans doute intĂ©ressantes, mais au risque de dĂ©cevoir un lecteur plus amateur de dĂ©bats axiologiques. Par exemple, le changement de vision de la mort produit par l’utilisation sur une large Ă©chelle de cet instrument aurait pu bĂ©nĂ©ficier d’un regard plus approfondi. L’analyse des bouleversements sociaux associĂ©s Ă  cette nouvelle mĂ©thode de mise Ă  mort aurait pu Ă©galement reposer sur des sources d’archives plus nombreuses. L’ouvrage emploie notamment des sources secondaires, une littĂ©rature dĂ©veloppĂ©e plus tard autour de la dĂ©mocratisation de la machine Ă  dĂ©capiter, mais elle n’étudie pas assez de sources primaires documents judiciaires de l’époque, textes de loi, tĂ©moignages etc. Enfin, pour certains lecteurs habituĂ©s aux livres d’histoire de l’art signĂ©s par Arasse, il pourrait paraĂźtre surprenant le fait qu’il a consacrĂ© uniquement une dizaine de pages aux reprĂ©sentations artistiques de la guillotine, alors que sa finesse d’esprit donne sa pleine mesure notamment dans les interprĂ©tations nuancĂ©es et originales des peintures. 8. Pour aller plus loinOuvrage recensĂ© – La guillotine et l’imaginaire de la Terreur, Paris, Flammarion, 1987, Coll. Champs histoire ». Du mĂȘme auteur– Le DĂ©tail. Pour une histoire rapprochĂ©e de la peinture, Paris, Flammarion, 1992.– Le Sujet dans le tableau. Essais d’iconographie analytique, Paris, Flammarion, 1997. – On n’y voit rien. Descriptions, Paris, DenoĂ«l, 2000. Autres pistes– Michel Foucault, Surveiller et punir, Editions Gallimard, Paris, 1975.– Edmond et Jean de Goncourt, Histoire de la sociĂ©tĂ© française pendant la RĂ©volution, Dentu, Paris, 1854. Pourquoi la guillotine est-elle abominable? Et de quoi au juste a-t-on horreur? Pour rĂ©pondre, Daniel Arasse interroge cette peur Ă  sa source, au moment oĂč, Ă  peine nĂ©e, la machine est plantĂ©e au coeur d'une exploitation spectaculaire de ses pouvoirs d'Ă©pouvantela Terreur. Les surprises se multiplient au fur et Ă  mesure de l'enquĂȘteGuillotin n'est pas pour grand-chose dans l'invention de la guillotine; Ă  l'exception de la France, l'Europe l'utilisait, presque identique, bien avant la RĂ©volution; la tĂȘte coupĂ©e semble vivre encore, dĂ©fiant vĂ©ritablement la mĂ©decine... Machine politique, la guillotine fonde la dĂ©mocratieTout condamnĂ© Ă  mort aura la tĂȘte tranchĂ©e.» De la mĂ©decine Ă  la politique et Ă  la mĂ©taphysique, la machine Ă  dĂ©capiter se rĂ©vĂšle Ă  la fois un objet de civilisation» et une image de la RĂ©volution dans sa phase la plus radicale, en exhibant aux yeux du peuple, dans un fascinant théùtre macabre, l'Ă©galitarisme le plus absolu. Ce livre ne cherche pas Ă  rĂ©habiliter la guillotine jacobine, il s'agit plutĂŽt de briser le silence qui entoure l'emploi rĂ©volutionnaire de cette simple mĂ©canique» Ă  faire voler les tĂȘtes», pour mettre au jour, dans leur origine conjointe, la rĂ©pulsion qu'inspire la machine et la rĂ©putation qu'elle s'est gagnĂ©eson abject prestige.

daniel arasse la guillotine et l imaginaire de la terreur